Banane et mondialisation
Les droits de douane de la banane dollar à 75 euros
A la fin du mois de février dernier, la Commission européenne a accordé à la Colombie et au Pérou une baisse nouvelle du droit de douane à 75 euros par tonne de bananes importée.
Les accords de Genève avaient fixés le droit de douane des bananes dollar à 176 euros pour arriver au bout de huit ans, en 2018, à 114 euros. Cette fois, la Commission européenne, dans le cadre de l’accord sur le libre échange entre les pays andins et l’Union européenne a rallongé le délai jusqu’en 2020 et abaissé le plancher en deçà de ce qui avait été négocié. « Pour nous, c’est l’aggravation de la menace, explique Eric de Lucy, président de l’Union des groupements des producteurs de bananes (UGPBan). Déjà, à 114 euros, cela nécessitait des compensations financières importantes, mais à 74 euros… » Le gouvernement français, face à cette situation nouvelle, va devoir prendre la mesure du préjudice imputé aux producteurs et leur apporter des compensations financières correspondantes. Le problème ne se pose pas seulement pour la banane, mais pour toute l’agriculture tropicale : la banane, le rhum, le sucre... Et la Commission de Bruxelles prévoit d’étendre dans des délais très courts, certainement d’ici le mois de juillet, cette baisse au Panama, au Costa-Rica, au Honduras, à l’Equateur et au Nicaragua. Des négociations sont actuellement en cours. « Le gouvernement est ennuyé, lâche M. de Lucy. Je suppose qu’il a été pris au dépourvu par l’ampleur de la baisse. » La première semaine d’avril, une réunion s’est tenue à Ténériffe aux Canaries avec les eurodéputés et un groupe de parlementaires des pays ACP. Ils ont pris une résolution commune constatant que l’accord signé avait considérablement dégradé l’économie agricole des régions ultra périphériques (RUP) mais aussi des ACP et qu’en conséquence, la Commission devrait verser des compensations financières aussi bien aux ACP qu’aux producteurs européens.
190 millions € pour les ACP
La Commission a déjà convenu qu’elle devrait verser au moins 190 millions d’euros aux ACP. Quant aux producteurs européens, ils ne demandent pas de compensations financières seulement sur la banane, mais sur l’ensemble de l’agriculture des RUP. Selon Gérard Bally d’Eurodom, « toute négociation qui ne porterait, face aux conséquences économiques de ces accords commerciaux, que sur des volumes de compensation serait insuffisante si elle ne portait également sur la sécurisation de la politique de l’Union européenne à l’égard des RUP au moins jusqu’en 2020 ».
Les discussions ont démarré entre les producteurs et le gouvernement français. Quant aux eurodéputés qui étaient aux Canaries, leur rôle est primordial puisque depuis le traité de Lisbonne, aucun traité international ne peut être ratifié par le conseil des ministres de l’Europe sans avoir été validé par le parlement européen. Les producteurs ont salué d’ailleurs le travail des eurodéputés Patrice Tyrolien et Elie Hoareau. « C’est la partie de bras de bras de fer de l’agriculture européenne contre la mondialisation », résume le patron de la banane antillaise qui regrette que cette baisse des droits de douane accordée aux latinos ne soient assortis d’aucune contrainte sociale ni environnementale. L’UGPBan, l’APEB, Eurodom multiplient les rencontres avec les gouvernements, les exécutifs régionaux pour tenter de se faire entendre. Jean-François Michel, le directeur de cabinet de Bruno Lemaire au ministère de l’Agriculture, le conseiller technique de l’Elysée, Benoît Lombrière, le conseiller agriculture du ministère de l’Outre-mer, Xavier Vant, ont tous été saisis. Rue Oudinot, on indique que la ministre a pris acte du futur accord sur le libre échange avec les pays andins sur le rhum et les fruits tropicaux dont la banane et qu’il veillera à travailler sur de « possibles compensations » avec les instances européennes.
FXG (Agence de presse GHM)
Patrice Tyrolien, eurodéputé PS
« Un vent de libéralisme souffle au sein du parlement européen »
Les producteurs européens de bananes ont salué votre combativité à Ténériffe. Qu’est ce que, concrètement, vous pouvez espérer obtenir ?
D’abord, essayer d’obtenir une révision de l’accord et que les compensations soient effectives pour que notre banane reste compétitive.
De quels moyens de pression disposez-vous sur la Commission ?
L’ensemble des députés concernés représente une bonne vingtaine d’élus. Nous allons rencontrer le commissaire au commerce, Karel de Gucht qui a négocié cet accord et voir si on peut faire évoluer cette affaire et exiger des compensations. C’est vrai que 2020 c’est encore loin mais que cet accord va aussi être généralisé à l’ensemble de l’Amérique latine. On doit donc réagir à très court terme pour que les producteurs de Guadeloupe et Martinique ne soient pas lésés dans cette affaire.
Vous étiez à Ténériffe avec les eurodéputés espagnols. Qu’avez-vous décidé ?
On va mobiliser l’ensemble des parlementaires espagnols et français qui sont concernés et qui peuvent nous aider dans ce domaine. Certainement, ce sera la codécision qui va jouer et il y a un certain nombre de possibilités pour que cet accord ne soit pas accepté. Mais il y a un vent de libéralisme qui souffle au sein du parlement européen et les avantages des RUP sont fortement menacés. Une réunion sur les RUP est prévue à Bruxelles le mois prochain, ce sera le moment de faire valoir les intérêts des producteurs européens.
Propos recueillis par FXG (agence de presse GHM)