Crise des carburants, avant dernier episode
Lurel, les gérants et « la manne des AIP »
Victorin Lurel a donné un coup de pied dans la fourmilière des gérants, lundi sur les ondes de Radio Guadeloupe 1ère. Son intervention visait à révéler ce qu’il pense être « une histoire de gros sous », à l’instar du syndicaliste martiniquais, Alphonse Degras, responsable CGTM Produits Pétroliers, qui a dénoncé à son tour « un chantage scandaleux » sur le site Politique publique (www.politiques-publiques.net). Selon Victorin Lurel, « la fermeture des stations-service par leurs gérants depuis jeudi dernier s'explique par les Accords interprofessionnels pétroliers (AIP), qui sont des indemnités de fin de contrat ». De son côté, que dit Alphonse Degras ? « Les gérants hurlent car ils voient poindre le risque de perdre une manne dont ils jouissent depuis l’Accord Interprofessionnel Pétrolier (AIP) du 2 avril 2008 : la prime de fin de gérance, qui ne figure pas dans leurs recettes d’exploitation. En effet, chaque fois qu’ils prennent livraison de 30 000 litres de produits, ils bénéficient d’une ristourne de 300 x 0,6854 € = 205,80 € (article 1 de l’AIP : 0,6854 € par hectolitre). Du 21 août 2008 au 30 juin 2013, ce sont ainsi 11 700 000 euros qu’ils ont piqués aux consommateurs et qu’ils se partagent, certains d’entre eux touchant jusqu’à 230 000 euros. »
Victorin Lurel rappelait que les AIP existent dans l’Hexagone, mais que « ce ne sont pas les consommateurs qui payent ». Il confirme le chiffre de 0,06 centime par litre et ajoute : « Ca a pris fin en avril et je l'ai supprimé parce qu'il y avait une base légale tout à fait discutable (...) permettant à n'importe quel consommateur de porter plainte. », Cette question des AIP avait ete mise sur le tapis en juin 2013, lorsque ont débuté avec les gérants les discussions sur le décret Lurel. Les gérants refusaient alors qu’on touche à ce qu’ils appelaient leur « prime de retraite ». « Depuis, d’autres accords ont ete préparés et, selon le ministre, « les gérants ont demandé à la préfète de les agréer tout de suite ». « Comment voulez-vous accepter ça, a réagi le ministre des Outre-mer (…) On leur a proposé l'extension de la convention nationale des AIP, mais ils n'en veulent pas. »
L’AIP est un accord signé en 2002 en Guadeloupe, et 2008 en Guyane et Martinique, qui prévoit d’abonder de 0,64 centimes en Guyane, 0,68 en Martinique et Guadeloupe, un fonds pendant dix ans. Cette réserve est destinée à financer une indemnité de fin de gérance dont le montant est proportionnel à l’ancienneté du gérant et au volume vendu dans la station. Ces 0,64 ou 0,68 sont payés par le consommateur et sont, à côté de la marge du détaillant, une marge de détail différée. Petite différence, c’est une indemnité de fin de gérance en Guyane et une indemnité de fin de contrat aux Antilles. Ces fonds sont gérés en Guadeloupe par une association de gestion présidée par Marc Petreluzzi, vice-président de l’organisation professionnelle des gérants de stations-service. De là à dire que ces AIP ont pu être un levier de la mobilisation des gérants, c’est sans doute caricatural, mais c’est un élément réel auquel d’ailleurs les Réunionnais qui ne disposent pas de tels accords, espéraient bien pouvoir prétendre avant que Victorin Lurel n’y mette fin.
Autre bombe lâchée par le ministre dimanche, mais sur RCI, cette fois : il a indiqué que Patrick Colle, president de l’intersyndicale des Dom des gérants, n’était plus lui-meme un gérant de station-service, mais qu’il exploitait un réseau de stations de lavage de voitures attenantes a des stations-service en Guadeloupe. Un réseau qu’il a pu acquérir grâce aux AIP. Et ses stations de lavage sont automatisées.
FXG, à Paris