Edouard Glissant
L’adieu parisien à Edouard Glissant
Samedi, l’Eglise de Saint-Germain-des-Prés a accueilli la dépouille d’Edouard Glissant pour une messe bénédiction. L’église était pleine de 4 à 500 personnes. La famille, les amis et des anonymes sont venus rendre un dernier hommage au poète du tout-monde. Le père Benoît de Sinety, sensible au « génie de cet homme de la relation », a choisi le prologue de l’évangile de Saint Jean . « Au commencement était le verbe… » « J’ai pu relire beaucoup de ses poèmes et retrouver sa langue magnifique », confiait l’ecclésiastique avant la cérémonie. Il s’agissait de donner la bénédiction au défunt et de faire une prière « ensemble, pour se souvenir ». Au premier rang à droite, devant le catafalque, les politiques. Dominique de Villepin, Jean-Batiste Rotsen (chef de cabinet de Marie-Luce Penchard), Christiane Taubira, celle qui appelait Edouard « mon gros ours ou mon chat tigre », François Bayrou et Frédéric Mitterrand (arrivé juste au début de la cérémonie). Derrière eux, Jacques Martial et Renaud Donnedieu de Vabre (qui sont arrivés ensemble), et l’ancien ministre de l’outre-mer, Brigitte Girardin. Sur l’autre rangée, au premier rang, autour de Sylvie glissant, les enfants du poète, Mathieu, Pascal, Olivier, Jérôme et Barbara. Dans la nef, beaucoup de musiciens, Alain Jean-Marie, Mario Canonge, Eric Vincenot, Roland Pierre-Charles… Des comédiens, Firmine Richard, Alex Descas, Greg Germain, François Marthouret… Des gens de média, François Guilbeau (patron de F3), Marijosée Alie, Gora patel, Walès Kotra (FÔ), Laure Adler, Olivier Poivre d’Arvor (patron de France Culture), Edwy Plenel (patron de Mediapart)… Mais pas de presse nationale pour couvrir l’événement. Il y avait encore, son éditrice Emmanuelle Collas (Galaade), Titouan Lamazou ou encore le cinéaste José Hayot. Daniel Maximin, le commissaire de l’année des outre-mer français, arrivé discrètement après le début de la cérémonie, est resté solitaire. Dehors, des écrans et des hauts-parleurs avaient été installés, ainsi que des barrières Vauban et trois policiers, mais les 1000 personnes attendues n’étaient pas là. Après la cérémonie, les discussions évoquaient les absences de personnalités comme le maire de Paris (quoique représenté par Firmine Richard et Jean-Claude Cadenet), la députée George Pau-Langevin (elle est en Israël), la ministre de l’Outre-mer (elle sera présente pour la sépulture en Martinique) ou celle des principales associations (Collectifdom, tous Créoles !, ou encore le CM98). Certains vont jusqu’à dire que ni la nation française, ni la communauté antillaise ne sont au rendez-vous. Quelqu’un réplique qu’il n’y a pas eu d’information sur la cérémonie.
"Au Panthéon !"
Plus loin, on dit qu’il mérite lui aussi une plaque au Panthéon et un autre propose que l’on rebaptise la rue Myrrha à la Goutte d’or (celle citée par Marine Le Pen au sujet des prières des Musulmans dans la rue !) en rue Edouard-Glissant. « C’est LA rue de créolisation, la rue du tout-monde ! » A la sortie du cercueil, une salve d’applaudissement a fusé telle une fulgurance faisant écho à la pensée d’Edouard Glissant. José Hayot est là avec ses deux fils, Théo et Léo. Edouard était le parrain de Léo. C’est à lui qu’il avait dit le jour de ses 80 ans : « Ne deviens pas un béké. » José Hayot sourit à cette évocation et rétorque : « Edouard a toujours donné de bons conseils à tout le monde ! » Roland Pierre-Charles en profite pour glisser qu’il faut absolument voir ou revoir le film de José, Nord plage : « Il y a un long passage où Edouard parle. Il a les yeux fermés et on ne comprend rien ! » Le musicien préfère retenir d’Edouard Glissant son travail à l’IME. « Il a récupéré tout un tas de gars que le lycée Schoelcher rejetait… » Daniel Maximin reste à l’écart. Sa présence n’est pas été bien vécue par certains proches du défunt : « Si Marie-Luce Penchard l’emmène dans ses bagages pour les funérailles, il ne sera pas reçu. » Il y a encore du chemin pour aboutir la poétique de la relation. "Est-ce que deux identités non identiques peuvent s'accorder", interrogeait Edouard Glissant...
FXG (agence de presse GHM)
Photos : Regis Durand de Girard et FXG
Ils ont dit
Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture
« C’est une des grandes voix de la littérature française. Il était un immense poète, un grand écrivain, un homme qui est allé au monde… On était tous très émus à l’intérieur de l’église et tous les gens qui ont lu Edouard Glissant ressentent certainement un très grand sentiment de perte. Et tous ceux qui ne l’ont pas lu, ils ont une grande chance car ils vont le découvrir car évidemment Edouard Glissant va être lu de plus en plus car tout ce qu’il dit est tout ce dont nous avons besoin. Il y a la beauté de la langue, la puissance poétique extraordinaire qui était la sienne. Je pense que ce sentiment de perte, d’un côté ne sera jamais consolé parce qu’il n’écrira plus, et d’autre part, sera malgré tout un peu surmonté parce qu’il reste tous ses livres, ses textes… »
Renaud Donnedieu de Vabre, ancien ministre de la Culture
« j’avais une immense affection, et beaucoup d’admiration envers ce géant. C’est quelqu’un qui m’inspire beaucoup de respect et puis, son cri, parce que c’était un homme de passion, engagé, je l’ai au fond de moi-même pour essayer jour après jour de faire que la diversité, l’égalité, le respect, la liberté soient une valeur déclinée au quotidien. Je l’ai rencontré et j’ai essayé de lui donner un coup de main sur certain de ses projets et je ne peux pas aujourd’hui ne pas penser à Aimé Césaire à la rencontre que j’ai eue avec lui, à ces géants qui doivent rester dans nos cœurs. »
Brigitte Girardin, ancien ministre de l’Outre-mer, ancien ministre de la Coopération
« Le développement endogène, c’était lui »
Vous avez rencontré Edouard Glissant plusieurs fois quand vous étiez ministre de l’Outre-mer…
Je l’ai rencontré à plusieurs reprises. J’ai toujours gardé un grand souvenir des échanges que j’ai pu avoir avec lui. C’est un être exceptionnel dont l’aura dépasse la Martinique, la France ; c’est un homme qu’on ne peut pas oublier et je crois que résonnera toujours dans notre tête la puissance de ses mots.
Sa littérature résonnait-elle en vous lors de vos réflexion sur les outre-mer ?
Bien sûr ! Il a toujours été très visionnaire et d’ailleurs, quoi de plus actuel que le tout-monde aujourd’hui ! Il m’a toujours beaucoup inspiré, même dans ma réflexion économique sur l’outre-mer car il avait une grande vision très personnelle. Le développement endogène, c’était lui ! Il a toujours été d’un grand conseil sur toutes les questions touchant à l’homme.
Propos recueillis par FXG (agence de presse GHM)