Fanon à Douarnenez
Frantz Fanon et Patrice Lumumba au festival de Douarnenez
La programmation du festival de cinéma de Douarnenez (Finistère) consacre deux journées à Frantz Fanon, mercredi et jeudi 24/25 aout, avec trois films (Driving with Fano - Fanon, peau noire, masque blanc - Frantz Fanon, mémoire d'asile), un débat le mercredi à 18h sous le chapiteau du festival en compagnie de Françoise Verges, Jacques Coursil et Lesego Rampolokeng (poète sud africain qui reprend les écrits de Fanon), un concert le jeudi 25...
"Saluer les deux hommes, figures majeures des luttes d'indépendance et d'émancipation, morts la même année, en 1961, était une nécessité selon les organisateurs du festival de Douarnenez. Le festival, à travers 5 films, un débat, un concert, des lectures, et un ensemble d'ouvrages dans la librairie éphémère, propose une parenthèse particulière, une manière de se rassembler autour d'une mémoire, celle des peuples colonisés. Ce qui entre aussi en résonance avec l'histoire de l'Afrique du Sud et avec les paroles et les gestes qui parlent de libération, en Algérie, au Maroc, en Tunisie, en Syrie, en Égypte... Le capitalisme dont parle Frantz Fanon, certainement, a à voir avec les gesticulations européennes de la faillite annoncée, avec cette machine de guerre financière, boursière, économique, qui met à genoux des peuples, en Grèce, au Portugal, en Espagne, en Irlande, et demain…? Stéphane Hessel, dont les Espagnols ont mis en pratique la nécessaire indignation, invité à Douarnenez en 2009, a reçu au début de cette année le prix Frantz Fanon." Voilà comment le Festival rétablit Fanon dans notre contemporanéité.
• MERCREDI 24, DÉBAT avec Françoise Vergès, Lesego Rampolokeng et Jacques Coursil
• JEUDI 25, CONCERT :
- Première partie : hommage à Fanon avec Jacques Coursil / Alan Silva, Lesego Rampolokeng (Fanon's Children).
- Seconde partie : hommage à Lumumba, avec Emile Biayenda et le trio Charles Kely.
Lumumba – Pour mémoire, de Dragos Ouedraogo
Patrice Lumumba né le 2 juillet 1925 à Onulwa au Congo, colonie belge à l'époque, et assassiné le 17 janvier 1961 au Katanga. Héros national de la lutte pour l'indépendance du Congo, il fut le Premier ministre éphémère de la République démocratique du Congo au moment de son accession à l'indépendance dans un contexte difficile lié aux enjeux géostratégiques et économiques. En effet le pays regorge d'énormes richesses minières convoitées par les compagnies minières belges et des puissances occidentales. Patrice Lumumba personnalité charismatique, tribun populaire, autodidacte, s'est forgé une figure de leader politique résolument engagé dans le combat pour l'indépendance du Congo. Cette option lui attire les foudres de l'administration coloniale belge, de ses alliés au sein de l'élite congolaise et des États-Unis qui agitaient à l'époque l'épouvantail communiste. Dans son parcours politique, Lumumba crée le Mouvement National Congolais, qui prend son ascendant sur les autres partis indépendantistes. Lumumba fait face à l'hostilité de l'administration coloniale, aux rivalités des autres forces politiques congolaises, aux intrigues des États-Unis dans les coulisses avec les agents de la CIA. Il fait de la prison à plusieurs reprises. Il est libéré pour participer à la réunion de la Table ronde à Bruxelles au cours de laquelle la Belgique accorde l'indépendance au Congo. Une indépendance formelle, car les rouages essentiels de l'économie, les forces militaires restent sous le contrôle de l'ancienne puissance coloniale. Lumumba se dresse contre cette supercherie, mais il est de plus en plus isolé, et n'a autour de lui qu'un carré de quelques fidèles au sein du gouvernement et de l'appareil d'État fragile d'une nation naissante. Il sera victime d'un complot et assassiné le 17 janvier 1961 au Katanga après une véritable chasse à l'homme orchestrée par le colonel Mobutu avec l'appui des États-Unis et de la Belgique. Lumumba est resté dans la mémoire du peuple congolais et des peuples africains comme le symbole de la lutte pour l'indépendance et de la liberté. Cette mémoire est entretenue par une littérature foisonnante, par le théâtre, la musique et le cinéma.
Frantz Fanon, Peau noire, masque blanc, d'Isaac Julien
Le film frappe par ses choix esthétiques et théoriques, le baroque cinématographique. Né en Martinique, Fanon est un homme aux facettes multiples, psychiatre en Algérie et Tunisie, Ambassadeur du Gouvernement Provisoire de la République algérienne, membre du FLN, poète, écrivain, ami de Sartre et de Beauvoir, pourfendeur du racisme et du colonialisme, admiré des Black Panthers et des jeunes révolutionnaires du Tiers-Monde. Plutôt que de suivre une trame linéaire, le film dresse un portrait complexe de Frantz Fanon, mêlant documents d'archives, interviews et, surtout, scènes reconstituées. C'est la forme du film qui intrigue, les partis pris du cinéaste, son approche personnelle d'un Fanon tiraillé par des désirs contradictoires. Isaac Julien fait une oeuvre amoureuse, subtile, où transparaît son propre engagement en miroir.
Frantz Fanon, Mémoire d'asile, d'Abdenour Zahzah
Portrait du psychiatre et théoricien révolutionnaire Frantz Fanon, à partir des archives de l'hôpital et des registres d'entrées de l'HP, les suivis des patients et les notes cliniques de Fanon, et premier film du réalisateur. Faire un film sur un lieu fermé dans un pays fermé était un point de départ du projet, tant “l'Algérie ressemble à un univers psychiatrique”. Deux ans et demi pour huit jours de tournage, un cofinancement à égalité avec Bachir Ridouh, médecin-chef de l'hôpital et des prises de vues avec la caméra d'un touriste uruguayen ! “Chaque fois que je montre mon film en Algérie, je ressens une très grande joie. Si le cinéma est universel, les Algériens ont besoin de voir des films auxquels ils peuvent s'identifier, un besoin de se voir pour se désaliéner.”
Driving with Fanon, de Steve Kwena Mokwena
Voici une méditation cinématographique sur la violence et ses stéréotypes, la mémoire et la condition humaine en Afrique postcoloniale. Kwena Mokwena, artiste sud-africain, et Lansana Fofana, journaliste et écrivain sierra-léonais, voyagent à travers Freetown, Sierra Leone. Brouillant les pistes en mixant discours et images brutes, tous deux évoquent le fantôme de Frantz Fanon (et de Steve Biko), l'engagement d'une nouvelle génération d'Africains et regardent une Afrique du XXIe siècle sans concessions. Film urbain, speed, hip-hop, funky, free-jazz, à l'allure d'un documentaire art-vidéo, dans une énergie numérique propre au travail du réalisateur, figure atypique du cinéma sudafricain.