Freddy Loyson au procès de la MDOM
Le procès de la maison départementale de l’outre-mer
Freddy Loyson, ancien directeur de la structure antillaise de Nanterre, a vu requérir contre lui douze mois de prison avec sursis simple.
« Pasqua voulait depuis longtemps une maison de l’outre-mer dans les Hauts-de-Seine car il estimait que ses compatriotes n’avaient pas assez de considération ; il m’a demandé de m’en charger… » Freddy Loyson racontait, vendredi à la barre de la 13e chambre correctionnelle du tribunal de Nanterre, comment il s’était retrouvé, six années durant, directeur de la Maison départementale de l’outre-mer (MDOM) des Hauts-de-Seine. Car, sous la présidence d’Isabelle Prévost-Déprez, il était jugé pour abus de confiance en compagnie de son ancien adjoint, Bienvenue Binam. La présidente s’est immédiatement intéressé au parcours de Freddy Loyson qui, un an avant la création de la MDOM était sur la liste de Charles Pasqua aux Européennes. « Je militais au RPF et ça a dû en gêner plus d’un, voilà d’où viennent mes ennuis… » « Et avant ? », questionne-t-elle. Car Freddy Loyson a eu un beau parcours dans les milieux gaullistes parisiens. De 1980 à 1995, ce secrétaire administratif originaire du Moule, a fait partie du cabinet de Jacques Chirac à la mairie de Paris, responsable des finances, puis responsable du bureau d’aide sociale de la Ville de Paris. En 1999 il rentre comme chargé de mission au cabinet de Charles Pasqua dans les Hauts-de-Seine. Jusqu’à la création de la MDOM, il présidait l’association des Guadeloupéens de France. Politiquement, Freddy Loyson a été maire adjoint à Sarcelles et conseiller d’arrondissement à Paris. Aujourd’hui, il entame sa retraite et représente à Genève une ONG qui « apporte son soutien à tous ceux qui, aujourd’hui, comme nous, souffrent de racisme ».
Parachute doré
La présidente rappelle la clause de parachute doré incluse dans les contrats de travail des deux dirigeants, et introduite par eux-mêmes : deux ans de salaires en cas de licenciement non justifié. Des augmentations aussi : « 13e puis 14e mois et une prime extraordinaire en décembre 2003, pourquoi ? » « C’était dû à notre changement de statut… » répond Freddy Loyson. Les deux prévenus se sont connus dix ans avant les faits, quand Binam gérait l’immeuble qui abritait la station de radio Médiatropical. « Et les retraits en espèces ? » continue Mme Prévost-Déprez. 26 000 € pour la fête du bicentenaire du drapeau haïtien… « Quand je faisais un retrait en espèce, je mentionnais les raisons du retrait. », justifie Freddy Loyson qui ne parviendra pas tout au long de l’audience à convaincre le tribunal de l’affectation réelle des fonds retirés en liquide. Le comptable Hennon, interrogé comme témoin, indique qu’il se contentait des tickets de retraits… « Pittoresque ! », commente la présidente. Le témoignage du trésorier du conseil d’administration de la MDOM n’aide pas les prévenus : « Loyson me baladait, Binam m’envoyait carrément promener. » Ces déclarations surprennent Freddy Loyson : « Je mets ça sur le compte de l’émotion… » Puis, c’est le témoignage d’un ancien employé : « Ils faisaient la pluie et le beau temps, menaient grand train et beaucoup d’espèces circulaient. » Peu après alors que l’on discute comptabilité publique, l’avocat de Freddy Loyson sort des rapports financiers qui ne sont pas au dossier du tribunal. S’ensuit une algarade entre Me Missamou et celui de la partie civile, Me Schnerb. La présidente ordonne une suspension d’audience.
« Jurisprudence des caisses noires »
A la reprise, vient le temps des plaidoiries et du réquisitoire. Me Schnerb, défenseur des intérêts du département invoque « la jurisprudence des caisses noires » et fait une allusion délibérée au clientélisme : « Ils ont pensé que tout était permis dans l’univers merveilleux des agents électoraux… » Il demande 10 000 € symbolique de dommages. Le procureur rappelle le rôle honorifique du « président de paille », Gérard Laviny, les subventions des Hauts-de-Seine, mais aussi des collectivités et des caisses d’assurance maladie des Antilles et de la Guyane. « Mauvaise gestion ne vaut pas abus de confiance et mauvais dirigeant ne vaut pas délinquant. Le comptable et le conseil général se sont montrés légers puisque c’est un changement de présidence qui a abouti à sa réaction… Et le comptable ne peut se targuer d’avoir berné le Conseil général. » Le procureur ne veut retenir dans l’abus de confiance que les espèces retirées pour un montant de plus de 150 000 €. « On a plusieurs retraits de 2000 € dans la même journée et la plupart des retraits sont faits dans un distributeur voisin de chez M. Loyson, aucune facture ne justifie les sommes. » Le parquet a requis 12 mois de sursis simple contre Freddy Loyson et dix contre M. Binam, assorti d’une interdiction de gestion pendant cinq ans. Il leur reviendrait d’indemniser les victimes. La défense arguera des paiements en liquide d’artistes, d’avance à une association haïtienne pour le compte du Conseil général, s’en prendra à la confiance mise dans son comptable… Sera-ce suffisant pour convaincre de la bonne foi des dirigeants ? Toujours est-il qu’ils n’ont pas été poursuivis pour détournements de fonds publics. Ce qui parfois a étonné la présidente Prévost-Déprez. Une ultime bienveillance du procureur Philippe Courroye, peut-être…
FXG (agence de presse GHM)
Rappel des faits
2000 : création de la MDOM
2004 : Charles Pasqua laisse son siège de président du conseil général des Hauts-de-Seine à Nicolas Sarkozy. Alarme du comptable du Conseil général.
2005 : Début de l’opération « nettoyage des écuries de Pasqua ». Le conseil général dépêche un audit sur la MDOM et décide d’accorder une ultime subvention à la MDOM (plus de 1 million d’€) pour apurer le passif.
2006 : Licenciement de tous les salariés.
2007 : L’administrateur judiciaire en charge de la liquidation s’enfuit à l’Ile Maurice. Le successeur de Nicolas Sarkozy dans les Hauts-de-Seine, Patrick Devedjian, transmet le dossier au parquet de Nanterre qui renvoie MM. Binam et Loyson devant le juge.