Haïti, la dette pas la malédiction
Non Haïti n’est pas un pays maudit
Assez d’entendre trop souvent et à toutes les sauces qu’Haïti, la première République noire de l’Histoire, la première colonie qui s’est affranchie du joug du colonisateur, est un pays maudit. Non, Haïti n’est pas une nation maudite, Haïti est une nation qui subit aujourd’hui le contrecoup de son histoire. Un cyclone, un tremblement de terre font beaucoup plus de dégâts sur la partie occidentale d’Hispaniola que sur sa partie orientale, ou même qu’à Cuba ou à la Guadeloupe pourtant sujettes aux mêmes aléas. Ce n’est pas parce que les Haïtiens seraient maudits, mais parce que, jamais la jeune nation n’a jamais pu se hisser au niveau des nécessités dues à son environnement. Après son indépendance acquise en 1804, les Haïtiens ont du attendre 21 ans avant que l’ancien colon ne reconnaisse sa souveraineté. L’indépendance ne lui a été reconnue qu'en 1825 par Charles X, en échange du paiement de 150 millions de francs-or et d’une réduction de 50 % des droits de douane.
Pour payer, Haïti a emprunté des millions auprès des banques françaises, puis aux États-Unis et en Allemagne. Ses richesses (comme celles provenant de la vente du café) ont été, dès le début, consacrées au remboursement, et dès 1828, le gouvernement a du emprunter pour pouvoir rembourser : la spirale infernale s’enclenche. Selon Alex von Tunzelmann, « en 1900, [Haïti] consacrait 80% du budget de la nation au remboursement ». 122 ans plus tard, en 1947, la nation n’avait remboursé qu’environ 60% de la dette, soit 90 millions de francs. Dans ces conditions, les paysans appauvris ont détruit leur forêt pour avoir du bois de chauffage, les sols se sont érodés, désertifiés, les populations se sont massées dans les villes devenues rapidement de vastes bidonvilles… Le pays n’a jamais pu se structurer pour faire face aux caprices de la terre et du temps…
Avant le séisme de 2010, sa dette extérieure, vis-à-vis de la Banque mondiale et de la banque interaméricaine de développement mais aussi des pays du Club de Paris, s’élevait à 1,2 milliard US$ et pesait sur les ressources de ce pays très pauvre. La dette a représenté, au cours des dix dernières années, le double du budget de la santé publique. Plus de la moitié de la dette actuelle a été contractée par le régime des Duvallier, sans compter les emprunts qui ont suivi pour assurer les remboursements. En 1986, la fortune de la famille Duvallier avait été estimée à 900 millions US$, alors qu’à ce moment la dette externe totale d’Haïti s’élevait à 750 millions US$.
En 2003, le président Aristide a demandé à la France la restitution des sommes versées depuis 1825. Il les avaient estimées à plus de 21 milliards en dollars. Quelques mois plus tard, il était renversé par un coup de force. La dette haïtienne, qualifiée par certains d’« odieuse et illégitime », a empêché le développement car elle était là pour imposer à ce pays libre de rester sous domination. Haïti n’est pas maudit. Ce serait admettre un déterminisme pour les nations ! Haïti a simplement été trop longtemps méprisé par le reste du monde. Haïti a trop longtemps été le pays oublié.
FXG (agence de presse GHM)
(Les photos ont été prises après la chute d'Aristide en mars 2004)