Jean-Jacques Seymour : Une histoire de la flibuste
A l’occasion du salon de livre de Paris, le journaliste Jean-Jacques Seymour publie chez Ibis rouge « Les chemins des proies, une histoire de la flibuste ». Interview.
« Les pirates étaient égalitaires »
Pourquoi avez-vous choisi de faire un livre sur la piraterie ?
C’est un vieux rêve d’enfance… J’ai lu pas mal de livres sur la piraterie et les corsaires et c’est quelque chose qui m’a toujours fasciné. Mais je m’y suis vraiment intéressé quand j’ai commencé à sillonner la Caraïbe parce que, que ce soit à Saint-Lucie, la Barbade, la Jamaïque, Saint-Domingue ou à Cuba, il y a des repaires qui montrent qu’il y a eu une sorte de pègre maritime qui a sévi dans cette zone. Mais plus précisément, j’ai rencontré, il y a quelques années à Paris un chercheur qui m’a fait découvrir un certain nombre de documents. A partir de ce moment-là, j’ai pris le parti de me rendre moi-même sur un certain nombre de lieux et de faire des recherches sur cette question.
Quels lieux avez-vous visités ?
Je suis allé au musée de Boston qui est l’un des musées importants de la piraterie. Je suis allé au musée de Cuba, bien entendu et puis j’ai visité des sites en France, notamment du côté d’Amiens où j’ai rencontré des collectionneurs qui ont rassemblé des documents et des objets.
Est-ce que vous avez pu établir une sociologie du pirate ?
Il y a eu des centaines de livres écrits sur la flibusterie. L’originalité de mon livre, et c’est pour ça que ça a pris beaucoup de temps, est certes de rappeler les grandes phases historiques, les grands mouvements autour des grandes puissances, mais ce qui est le plus de ce livre, c’est la biographie des flibustiers célèbres. Et ça, d’après les spécialistes que j’ai rencontrés au musée de la marine, c’est quelque chose d’inédit. J’ai consulté près de six mille documents pour pouvoir établir la biographie de ces gens qui ont signé les plus belles pages de l’histoire de la marine même si cette organisation était considérée comme un rassemblement de voleurs, de bandits, de canailles !
Avez-vous rencontré un pirate particulièrement attachant dans vos recherches ?
Ils sont tous passionnants mais le plus célèbre, celui qui m’a le plus frappé, c’est Edward Drumont plus connu sous le nom de Barbe noire. Son pavillon représentait un petit diable blanc qui tient une lance et un sablier… Dans les récits que l’on fait de son apparition dans les Caraïbes, c’est absolument terrifiant. Dès que Barbe noire apparaissait quelque part, tout le monde était au garde à vous ! A la suite de batailles célèbres, il s’est accaparé une frégate française de 300 tonnes, armée de 40 canons, et qu’il a immédiatement rebaptisée. C’était un type sans foi ni loi.
Y a–t-il, dans les Antilles françaises, de repaires de pirate bien identifiés ?
Il y a plusieurs sites du côté de Deshaies en Guadeloupe, à commencer par la plage de Grande Anse. Il y a quelques années, j’étais venu y faire une conférence et, avec le maire de Deshaies, on avait en projet d’essayer de monter un musée de la piraterie. Mais bon, ça demande des fonds considérables pour acquérir les objets dont nous aurions besoin.
Les pirates étaient majoritairement européens, mais il y a bien quelque pirates caribéens, voire d’origine esclave ?
Il y a quelques esclaves qui se sont émancipés, en quelque sorte, et qui ont participé aussi à cette aventure, mais la plupart des pirates que nous avons rencontrés et qui ont un nom, ce sont des Européens, bien entendu.
Y a-t-il eu un grand pirate noir ?
On dit qu’il ya un esclave qui est devenu un grand pirate. Il a quitté la Martinique pour aller dans l’océan indien et qui serait devenu le roi de Madagascar. Mais, est-ce une légende ? Car il y a beaucoup de légendes qui entourent ce monde-là et ça, je n’ai pas pu le vérifier.
Les pirates ont-ils laissé des traces aux Antilles, dans les noms de lieu par exemple ?
Il y a des noms de rue à Haïti, Saint-Domingue, Fort-de-France… Blenac, d’Esnambuc sont des noms qui ont participé de cette période.
Est-ce que le fameux « bitin » du créole guadeloupéen est un reliquat de cette période ?
Non. Mais il y a un mot qui est très employé dans les Antilles qui vient ce cette époque, c’est le mot « blaff ». Les pirates disaient blaff parce que, quand ils plongeaient le poisson dans l’eau bouillante, ça faisait blaff, un bruit.
Pirate, boucanier ou flibustier… Quelles différences entre ces vocables ?
Dans boucanier, il y a boucan. Ce sont ceux-là qui allaient voler le bétail et la nourriture des pirates. Flibuste est un mot hollandais qui signifie « faiseur de butin, libre ».
Les corsaires étaient-ils des flibustiers ?
Les corsaires avaient des lettres de marque remises par les gouvernements et qui les autorisaient à faire la chasse aux Galions… Et quand il n’y avait plus de lettres de marque, certains sont devenus des pirates. Ils armaient eux-mêmes leurs bâtiments et se mettaient complètement hors la loi.
Comment étaient-ils organisés socialement ?
De manière parfaite ! Il y a un maître mot, c’est l’égalité. Quand ils prenaient un galion chargé de 100 000 piastres, ils répartissaient le butin équitablement entre tous, du capitaine au dernier des matelots. Les pirates étaient égalitaires.
Quel est le dernier pirate qui a été actif dans cette région, et pourquoi la piraterie s’est-elle arrêtée ?
La piraterie a pris fin faute de trafic maritime vers la fin du XVIIIe siècle pour redémarrer dans les mers du sud, du côté de la Réunion et de Madagascar. Quant au dernier pirate, je ne sais pas véritablement qui il était.
Propos recueillis par FXG (Agence de presse GHM)