Jocelyne Béroard à l'Olympia le 22 mai
Interview Jocelyne Beroard, à l’affiche de l’Olympia le 22 mai prochain
« Un concert doit permettre aux gens de voyager »
Votre premier disque d’or en solo a été Siwo en 1986. Avez-vous pris conscience à l’époque que vous ouvriez la voie à toute une génération de jeunes chanteuses. Vous en sont-elles reconnaissantes ?
Hé ! Hé ! Au départ, je n’avais pas conscience de ça… Je faisais partie du groupe Kassav et il a fallu quand même quelques années pour convaincre le producteur qu’un album féminin pouvait marcher. J’ai fait d’abord Mové jou qui a été un gros tube, puis il y a eu Pa bizwen palé sur l’album de Jean-Philippe Martély et Patrick Saint-Eloi, et, dans l’année 1986, il y a eu plusieurs albums féminins qui sont sortis puisque les Zouk machine sont sorties juste avant moi, pendant les grandes vacances, en même temps d’ailleurs que l’album Gorée de Georges Décimus et Jacob Desvarieux. Le mien est sorti en décembre, en même temps que celui de Tanya Saint-Val… Donc on a été trois dans l’année 1986 à sortir un album. Et je crois que les trois ont défrayé la chronique ! Je ne peux prendre toute seule l’ouverture féminine. Cela dit, je crois que Kassav quand même a été essentiel. Avant, dans les groupes, il y avait très peu de femmes. Mano Césaire avait bien fait un album avec des voix féminines mais c’était encore très rare…
Qu’est-ce qui vous a donné envie de chanter toute seule ?
Il y avait le groupe Kassav en premier, mais pour installer le style, chaque membre du groupe faisait son album solo. Patrick en avait déjà fait un ou deux, Jean-Philippe aussi, Georges et Jacob en étaient aussi à leur deuxième, et je me disais : « Mais pourquoi pas moi ? » d’autant que mon tout premier titre Moman-tala était passé inaperçu à l’époque mais le deuxième qui était Mové jou avait quand même eu un gros succès, et Pa bizwen palé, c’était vraiment l’hystérie ! Et puis, j’avais des trucs à dire ; je chantais depuis quelques années, je faisais du solo, mais je reprenais les chansons des autres. Donc, j’avais envie d’avoir les miennes !
Alors comment faîtes-vous pour gérer une carrière internationale avec Kassav et garder du temps pour vous, pour composer et donner ses propres concerts ?
Ce n’est pas vraiment évident… Déjà, mon tout premier concert en solo était en 2005 ; le deuxième était en novembre 2010 ! Il a fallu cinq ans pour avoir encore le temps d’en refaire un. Je considère que ce n’est pas obligatoire, indispensable… Ma priorité reste Kassav. Donc si je n’ai pas d’espace laissé libre pour faire des petits apartés en solo, ce n’est pas la fin du monde. Jean-Philippe a réussi à mener les deux, même si ce qu’il fait de son côté reste au pays, un peu discret… Maintenant, faire quelque chose à Paris… Quand le manager m’a proposé ce concert à Paris, j’ai répondu oui de façon complètement spontanée.
Vous avez tout de même déjà rôdé ce concert à l’Atrium, l’an passé. Donc vous êtes prête ?
Ce ne sera pas tout à fait la même chose car ce sera l’Olympia, un espace très coté… Mais l’expérience de l’Atrium va me permettre de corriger certaines petites erreurs. Il y a un peu plus d’angoisse puisqu’on s’ouvre un peu plus à une critique internationale.
Comment choisissez-vous vos chansons quand vous êtes en solo, entre les chansons du répertoire de Kassav et les vôtres en propre ?
Je m’en sors avec beaucoup de difficultés. Les albums solo des membres de Kassav contiennent pas mal de tubes joués pendant les concerts de Kassav. Donc déjà, on commence par reprendre les titres sollicités par le public, puis on complète pour donner une déclinaison, ne pas ennuyer le public avec des choses trop similaires. Il faut trouver un équilibre entre les titres qui ont de l’énergie, les moments plus tendres et d’autres surprenant. Un concert doit permettre aux gens de voyager.
Reconnaître ce qu’on aime et découvrir ?
Oui ! Quand on fait des concerts de Kassav, il m’arrive de demander aux gens de composer la liste pour remonter à mes amis les vœux du public. Beaucoup fouillent véritablement dans les albums pour trouver des titres qui ne sont pas nécessairement des tubes mais des morceaux qui les touchent…
Vous promettez sur votre site Internet des inédits…
Non, des morceaux qui n’ont jamais été joués avec Kassav sur scène mais qu’on a déjà enregistrés.
L’Olympia est un lieu symbolique et vous jouez le 22 mai, une date elle aussi très symbolique. Est-ce un fait exprès ?
C’est la date que m’a proposé le manger qui n’a pas forcément toutes les dates qui nous concernent en tête. Quand il m’a dit ça, j’ai pensé houlala puis, dans l’instant, c’est parfait ! J’ai un titre dédié aux ancêtres et ce sera l’occasion de le jouer.
Après l’Olympia, on parle de la Guadeloupe…
J’espère que simplement la Guadeloupe va de nouveau avoir une salle digne de ce nom. Voilà deux ans que le centre des arts est fermé et que ça pénalise beaucoup de gens.
Comment distinguer Jocelyne Béroard de Kassav de Jocelyne Béroard, chanteuse solo ?
Le répertoire. Avec Kassav, on est quatre à chanter donc sur deux heures, on fait trois ou quatre chansons chacun. Alors que là, je chante quand même toute la soirée (elle rit) !
Dans quel état trouvez-vous le zouk aujourd’hui ?
Il y a 150 000 choses qui sortent. Tout n’est pas bon à prendre et il doit y avoir une dizaine de personnes qui sortent du lot… On ne peut imaginer qu’il y en ait 20 qui soient extraordinaires. Deux ou trois sont dignes d’intérêt et les autres, ils essaient… Ce n’est pas toujours très heureux. Mon grand désespoir, c’est que le zouk est de plus en plus chanté en français et c’est dommage. Le créole est une belle langue et perdre une langue, c’est perdre une culture. Chanter le zouk en français, ça appauvrit le style.
Alors quand un chanteur français comme Francis Lalanne ose chanter du zouk en créole, ça vous fait plaisir ?
Voilà ! (elle rit à gorge déployée…) C’est quand même assez étonnant que ce soit un chanteur de variété française qui se mette à chanter en créole alors que nous nous amusons à chanter en français… Je ne suis pas contre la langue française ; Tony Chasseur passe facilement du créole au français, mais que les gens ne chantent qu’en français me dérange et m’attriste.
Propos recueillis par FXG (agence de presse GHM)
Photos RDG