La rue du chevalier Saint-George et ses vraies fausses plaques
Le mystère des plaques de la rue du chevalier de Saint-George à Paris
Depuis 2001 à Paris, la rue Richepance, du nom du général bonapartiste qui a rétabli l’esclavage en Guadeloupe, a pris le nom du chevalier de Saint-George. Depuis avril 2010, de vraies fausses plaques ont remplacées les premières. La plaque originelle indiquait : « Rue du chevalier de Saint-George (1739-1799), musicien et chef d’orchestre, ancien colonel de la garde nationale. » La nouvelle mentionne : « Rue du chevalier Saint-George (1745-1799), compositeur et chef d’orchestre, capitaine de la garde nationale de Lille, colonel de la légion des Américains et du midi. » Parce que la suppression de la particule nobiliaire posait des problèmes pour les papiers en-tête, cartes de visites et autres besoins administratifs, Alain Marcesche, alors président de l’association des commerçants de la rue, a saisi les autorités municipales. Les maires des 1er et 8e arrondissements (la rue sépare les deux arrondissements), MM. Legaret et Lebel ont déposé une plainte qui a été instruite, selon nos information, par le capitaine de police Le Louët du commissariat du 1er. Claude Ribbe a été le suspect n°1 dans cette affaire et il semble même qu’il ait été dénoncé. En effet, les soupçons de la police se sont porté sur lui car il avait annoncé ce changement de plaque quelques jours avant les faits, lors d'une réunion publique en présence de Jean-Claude Cadenet, délégué général à l’Outre-mer de la ville de Paris. Lors de cette conférence, le 15 avril 2010, Claude Ribbe a clairement indiqué : « J’espère, mon cher Jean-Claude, qu’un jour on rectifiera… » Le lendemain, 16 avril 2010, Jean-Claude Cadenet adresse un mail à Claude Ribbe ainsi rédigé : « Merci de me communiquer des éléments pour une nouvelle plaque pour la rue dédiée à Saint-George. »
De l’aveu même de M. Ribbe, il lui a transmis un texte correspondant grosso modo à celui de la nouvelle plaque. « La police m’a dit que la mairie de Paris n’était au courant de rien et qu’aucune plaque, selon eux, n’avait été changée de leur fait », témoigne Claude Ribbe. Même son de cloche chez Jean-Claude Cadenet : « Ce ne sont pas les gens qui s’occupent des plaques qui l’ont fait. Ils nous auraient soumis le projet… » Le délégué à l’outre-mer de la ville pense qu’un tel « changement ne peut se faire secrètement » et il y voit anguille sous roche : « Je pense qu’il y a bien quelqu’un qui sait quelque chose… » Le libellé de la nouvelle plaque a bien été commandé à la direction du service de la voirie par le cabinet du maire, cabinet auquel appartient M. Cadenet. Si les premiers soupçons se sont posés sur Claude Ribbe, les erreurs qui figurent sur la nouvelle plaque pourraient donc cibler M. Cadenet ! Les différences de mention entre anciennes et nouvelles plaques se font l’écho de la querelle d’historiens qui oppose depuis 2000 deux des biographes du chevalier guadeloupéen, Claude Ribbe et Alain Guédé. Au commissariat de quartier où la plainte a été déposée, on nous a renvoyé sur la préfecture de police de Paris. Celle-ci a indiqué laconiquement : « Nous n'avons pas de trace d'une plainte. Merci de voir la mairie de Paris et le service de la voirie qui pourra vous dire s'ils ont déposé plainte et auprès de quel service. Egalement voir auprès du parquet de Paris s'il n'a pas été saisi directement par la mairie. » Le parquet de Paris n’a pas trouvé de trace de la transmission d’une plainte à ses services. Ce qui ne veut pas dire que la plainte n’existe pas puisqu’il y a, en cours, au parquet, 2244 affaires pour lesquelles la ville de Paris est victime. Reste que quelle que soit la date de naissance du chevalier de Saint-George, les nouvelles plaques qui prétendaient lui restituer curriculum vitae et état civil corrects ont fait du « Mozart noir » un simple roturier ! Ignoble. Là-dessus au moins, MM. Ribbe et Guédé semblent d’accord.
FXG (agence de presse GHM)