Lana Tétuanui, ministre du Travail de Polynésie française en justice
Le couple Tetuanui de nouveau sur les bancs de la justice
Cyril et Lana Tetuanui comparaissaient mercredi devant la cour d’appel de Paris. Ils encourent notamment jusqu’à 5 ans d’inéligibilité comme le prévoit l’article L7 du code électoral. L’astuce de Me Lyon-Caen, avocat de Gaston Flosse, a été au cœur de l’audience.
La cour d’appel de Paris a renvoyé au 1er juillet l’affaire des époux Tetuanui. La ministre du Travail et de l’Emploi et son époux, maire de Tumara’a, avaient été condamnés par la cour d’appel de Papeete. Le premier à 18 mois de prison avec sursis, 500 000 CFP d’amende et quatre ans d’inéligibilité ; la seconde à un an avec sursis, 500 000 CFP d’amende et deux ans inéligibilité. La Cour de cassation a invalidé cette condamnation pour vice de forme et renvoyé l’affaire à Paris, d’où l’audience de ce mercredi. Cyril Tétuanui devait répondre de « prise illégale d’intérêt par élu public dans une affaire dont il assure l’administration ou la surveillance, complicité d’abus de confiance, complicité de faux en écriture et usage de faux ». Lana Tétuanui était prévenue de « recel de bien provenant de prise de participation dans l’entreprise mise sous sa surveillance ou son contrôle, et recel de bien obtenu par abus de confiance ». Plus prosaïquement, il est reproché au maire de Tumara’a d’avoir employé en 2002 du personnel sous contrat avec sa commune pour la réfection de la toiture de son fare pote’e et d’avoir fait réaliser gratuitement et à son profit des travaux d’enrochement et d’aménagement de sa servitude par le GIP…
Question prioritaire de constitutionnalité
Mes Forster et Quinquis, défenseurs de Lana et Cyril Tetuanui, n’ont pas abordé le fond de l’affaire, mais in limine litis, ils ont argumenté pour l’invalidation de l’article L7, à l’instar de Me Lyon-Caen quelques semaines plus tôt dans le chapitre sushis du dossier Flosse. Me Forster a conclu sa plaidoirie en rappelant que cette question prioritaire de constitutionnalité (QPC) a d’ores et déjà été soumise au Conseil constitutionnel qui pourrait livrer ses conclusions vendredi 11. En ce sens, il a suggéré que sa cliente bénéficie d’un sursis. Lana Tetuanui paraissait confiante en début d’audience : « Je ne fuis pas mes responsabilités. J’attends mais je n’ai pas peur ; je n’ai rien fait. » Egalement présents à l’audience, Mes Cross et Des Arcis, pour Petoro Temarin et Mylène Lioux, prévenus d’abus de confiance pour le premier, d’altération frauduleuse de la vérité pour la seconde. Tous deux avaient précédemment été condamnés dans l’affaire du couple Tetuanui mais avaient été exclus de la décision de la Cour de cassation. Me Cross a exprimé son « impression que son client est aujourd’hui cité à tort ». Tout comme Me Des Arcis… La cour s’est retirée brièvement pour statuer et annoncer un report de l’audience au 1er juillet. Ceci dans le but de trancher sur le sort de Mme Lioux et M. Temarin mais aussi pour permettre à l’avocat général, M. Cormaille de Valbray, averti le jour même de la QPC, de préparer un argumentaire en réponse. Entre temps, le Conseil constitutionnel aura peut-être rendu sa décision quant à la validité de l’article L7. Avec les mêmes conséquences attendues que pour Gaston Flosse.
Gaëlle Jotham et FXG (agence de presse GHM)
Trois questions à Me Lev Forster, avocat de Lana Tetuanui
« La déclaration des droits de l’Homme prohibe l’automaticité des peines »
Qu’en est-il du débat autour de l’article L7 ?
Mon confrère François Quinquis et moi-même avons déposé une question prioritaire de constitutionnalité pour savoir si l’article L7 du code électoral qui crée une automaticité de l’inéligibilité est constitutionnel. Nous avons soulevé qu’il est contraire à l’article 8 de la déclaration des droits de l’Homme qui prévoit que les peines doivent être strictement nécessaires et donc qui prohibe l’automaticité des peines. Il devrait laisser aux magistrats en fonction de leur souveraineté et de leur indépendance la faculté de prononcer ou de ne pas prononcer une inéligibilité.
Il s’agit de la même question soulevée par Me Lyon-Caen concernant Gaston Flosse ?
Exactement. Ce n’est pas mon client directement, puisque je défends sa compagne. Mais c’est un dossier que je connais bien évidemment, et que je suis étroitement. En l’occurrence c’est une question qui a été posée pour Gaston Flosse exactement dans les mêmes conditions et pour laquelle il semblerait que le Conseil constitutionnel soit amené à se prononcer prochainement.
Si jamais, le Conseil ne se prononce pas le 11, que se passerait-il le 1er juillet ?
En tout état de cause, ce n’est pas en raison du fait que le Conseil constitutionnel se prononcerait le 11 juin que la cour s’est donné ce délai jusqu’au 1er juillet. C’est pour que l’avocat général puisse répliquer à la demande et non pas pour se prononcer sur la QPC. Ensuite, l’affaire sera examinée dans le fond ; ça n’interdit et ça ne prohibe absolument pas la possibilité d’aborder le fond au moment où ces questions là seront tranchées. Et ce n’est pas une question qui annule le fait que le fond soit abordé.
Propos recueillis par G.J. et FXG (Agence de presse GHM)