Les consequences de la fin des quotas sucrier outre-mer
La suppression des quotas sucriers européens menace la filiere DOM
La perspective de la suppression des quotas sucriers en Europe au 1er octobre 2017 a fait l’objet d’un tableau alarmant par les industriels domiens, mardi soir, lors de la table ronde organisée sur le sujet par la délégation outre-mer de l’Assemblée nationale.
Philippe Labro, président du syndicat du sucre de La Réunion, s’est longuement exprimé sur les conséquences de la fin des quotas sucriers. « La suppression des quotas va permettre de produire sans limites, a-t-il d’abord expliqué. L’Europe va redevenir un gros exportateur, mais en Outre-mer, où jamais on n’a atteint nos quotas, la perte de garantie des débouchés existant depuis 1969, et la convergence des prix qui va s’ensuivre, permettra à l’Europe d’importer aussi facilement. » Quid, dans cette situation des 270 000 tonnes de sucre produit à la Réunion, en Guadeloupe et à la Martinique ? 60 % de cette production part en Europe pour être transformée en sucre blanc, indistinct de celui de betterave. Pour ce sucre, se posera un problème de compétitivité de coûts donc de concurrence. Les 40 % restants sont des sucres de qualité supérieure. 60 % de ces sucres roux de canne sont vendus aux industries alimentaires, 40 % sont vendus comme des sucres roux de bouche. Ceux-la ont moins le risque de perdre leurs débouchés européens car les DOM sont les seuls à les produire. Mais de nouveaux accords commerciaux signés par l’Europe ont permis cette année l’entrée de tels sucres de Colombie et du Panama…
Le vrai probleme posé par la réforme est celui du surcoût de la production ultramarine par rapport aux concurrents. Ce surcoût est de 385 euros la tonne. Il est actuellement compensé par des aides du POSEI et de la France qui l’abaissent à 135 euros la tonne. A cette somme, il faut rajouter le prix du raffinage (65 euros). La réforme devrait aussi aboutir à l’allongement de la campagne sucrière en Europe, de 120 à 130 jour. Cela génèrera un nouveau surcoût de plus de 40 euros. Le handicap de nos sucres sera chiffré dès lors à 240 euros la tonne… Seuls les quotas protègent actuellement les DOM de ce surcoût. « Voilà l’étau dans lequel on se trouve », a conclu M. Labro.
Les industriels, qu'ils soient Philippe Labro à la Réunion ou Patrick Lorcet, directeur général de l’usine de Gardel en Guadeloupe, ont indiqué qu’une diversification vers les produits dérivés de la canne n’était pas encore envisageable, que la production d’énergie ne peut que s’ajouter et non remplacer la production de sucre, que les efforts de compétitivité industrielle ont atteint leur seuil, de même que ceux pour améliorer les rendements agricoles ne pourront à eux seuls suffire… Une nouvelle politique de regroupement des exploitations cannières pour améliorer les rendements conduirait, par exemple à la Réunion, à réduire le nombre de planteurs de 18 000 à 12 000. Se pose alors la question du modèle social agricole domien…
Un « petit potentiel » de développement
« Nous essayons de gagner de nouveaux marchés à la périphérie de l’Europe, au Japon et en Corée, a expliqué M. Labro, mais, la part de la canne dans le prix de mon sucre est de 70 %. » Seule lumière d’espoir en perspective, l’exclusion des sucres spéciaux de la réforme des quotas. Mais l’effet sera minime car ce marché ne représente que 250 000 tonnes en Europe. L’outre-mer ne pourra en gagner la totalité, car les clients industriels ont besoin de garantie de livraison et travaillent tous avec Maurice et le Malawi en complément des DOM. Il n’y a que de « petits potentiels » de développement dans la filière, d’apres M. Lorcet. Reste que la réforme ne siginifie pas forcément la suppression des aides, au moins françaises, même si Isabelle Chmitelin, directrice de l’ODEADOM, a indiqué qu’elles feraient probablement, comme en 2006 apres la réforme de 2005, l’objet d’adaptation.
Dans ce contexte, il sera difficile de renouveler les contrats pluriannuels que les industriels passent avec les planteurs, quand ils prendront fin en 2015… « L’inquiétude est immédiate », a averti Patrick Lorcet.
FXG, à Paris
Les députés proposent une hausse des aides d’Etat
Un comité sectoriel poursuit actuellement des travaux sur la filière à l’horizon 2025. Ils serviront à éclairer la position des politiques car c’est à eux qu’il reviendra de prendre les décisions. Si personne ne veut encore imaginer la fin de la canne, Gabrielle Louis-Carabin, députée de Guadeloupe, s’est dite « perplexe ». Son collègue réunionnais, Jean-Jacques Vlody, persiste à être optimiste face à « cette nouvelle étape de la filière canne » et avance en guise de vademecum « la volonté politique »... A l’issue de la table ronde, la délégation a adopté le rapport de Jean-Claude Fruteau, Philippe Gosselin et Patrick Lebreton sur l’organisation commune du marché du sucre. Leur principale recommandation, pour répondre à la problématique de la fin des quotas sucriers est d’augmenter le soutien de l’Etat en faisant passer le niveau d’aide autorisé par le Parlement européen et le Conseil (du 13 mars 2013 sur les RUP), de 90 millions d’euros à 128 millions annuels. Cette hausse compense d’après les calculs de l’interprofession le handicap de surcoût subi par la filière DOM. Une autre recommandation propose d’exclure le sucre roux des accords de libéralisation passés par l’Europe avec des pays tiers.