Martin Jacque de lediteurenligne.com
Le révolutionnaire de l’édition est un vieux baroudeur
Martin Jacque, 65 ans, co-fondateur de lediteurenligne.com, a un parcours atypique. Passé par la télé et, il a publié plusieurs ouvrages (roman et BD) avant de renouer avec le théâtre. Depuis septembre, avec l’ouverture de son site Internet, il donne une nouvelle orientation à sa vie. Rencontre. (photo Virgine Dubois)
Vous étiez producteur de Psy show dans les années 1980 ; pourquoi avoir arrêté la télé ?
J’ai arrêté parce qu’on me proposait d’aller sur TF1 et je n’avais pas envie de faire ces programmes. J’avais envisagé de rester sur Antenne 2 où j’aurai même pu remplacer Pascale Breugnot qui était partante. Mais le nouveau pdg, Jean-Claude Héberlé, souhaitait se démarquer de son prédécesseur qui avait marqué la télévision des années 1980. J’ai alors créé une société de production qui a fonctionné pendant 17 ans et j’ai participé à la création de nombreuses émissions… Si j'ai quitté la télévision, c'est qu'elle a beaucoup changé et je ne m'y retrouve plus.
En quoi a-t-elle changé ?
Pour Psy show, Pierre Desgraupes avait libéré 10 millions € pour réaliser trois pilotes. C’est impensable aujourd’hui. Pourtant ces pilotes ont été utiles. Ils nous ont évité d'appeler le SAMU ! Ce qu’on disait à l’antenne était tellement fort que Gillot-Pétré qui animait l'émission est tombé dans les pommes. C'était lle témoignage d’une femme qui a vu sa mère torturée à mort pendant 48 heures. Elle ne l’avait jamais raconté, pas même à son mari.
Quel a été votre itinéraire ?
A l'origine, je suis ingénieur informaticien, mais ce n’était pas ma vocation. Je voulais être acteur, mais mon père, chanteur d’opérette, craignait de voir en moi un concurrent. J’ai fait le conservatoire d’art dramatique en douce… Mon métier d’ingénieur me laissait du temps et j’en profitais pour assister à des mises en scène. Un jour, au théâtre de Chaillot, j'ai profité malgré moi de la maladie d'une assistante suisse, très performante et très belle, irremplaçable... J’ai levé le doigt et le lundi, j’étais l’assistant. J’ai divisé mon salaire par dix ; j’ai donc divorcé ! (rires) C’était un vrai choix. Ma première mise en scène a très bien marché, et par la suite, j’ai eu une proposition pour la télé et c'est là que tout a basculé. La télé c’était de l’opportunisme.
Et la BD ?
Là aussi, j'ai saisi une opportunité. On m'a demandé d'adapter l'un de mes romans. Mon premier éditeur a été racheté et a cessé de publier des BD; le second a changé de directeur avant la sortie du deuxième album et a changé de ligne éditoriale. Au lieu des neuf prévues, ma série s'est limitée à trois épisodes. L'expérience a été peu satisfaisante.
Vous passez d’un genre à l’autre comme vous changez de nom !
Mon vrai nom est Jacques Martin. C’était difficilement portable à Antenne 2 où mon bureau était voisin de celui de l’animateur Jacques Martin. J’ai même reçu une fois son bulletin de paie et lui le mien… Il n’a pas été content ! Il y avait plein de zéros... Alors, j’ai pris le nom de Jacques-René Martin, René comme mon père. Mais les gens se trompaient, me donnait du Jacques-Henri… C’était infernal. En 2008, j’en ai eu assez de tous ces problèmes d’identité et j’ai repris mon nom et mon prénom en les inversant et en enlevant le S à Jacques car je suis unique. Je suis maintenant bien identifié dans le théâtre comme Martin Jacque.
Informatique, télé, théâtre, BD et maintenant une start up dans l’édition. Après quoi courez-vous ?
On a l’impression que je fais des choses différentes, mais non. Je suis un raconteur d’histoires et ce sont les outils qui changent. Avec L’éditeur en ligne, j’ai joint deux expériences : l’informatique et la création.
Propos recueillis par FXG (agence de presse GHM)
Edition, librairie et lecture numériques
Lediteurenligne.com relève le challenge de l’écrit dans le cadre de la révolution numérique. La volonté de cet éditeur est de changer le circuit de la vente de livres. « Le modèle traditionnel coûte cher aux éditeurs et les retours de stocks provoquent beaucoup de faillites, explique Martin Jacque. Notre système évite les stocks par la commande via internet. » Pour le moment, les frais sont plus importants que les recettes. « Ca risque de durer deux ans, le temps que la France entre dans la lecture numérique. » Pour l’heure, il publie en parallèle en numérique et en papier. Aux Etats-Unis, le marché du numérique a grimpé de 3, 7 et 20 % dans les trois dernières années. Si amazon.com, Fnac.com ou Numilog (hachette) sont des concurrents, il voit d’abord en eux des partenaires, des diffuseurs indispensables à la visibilité des ouvrages. La FNAC prend 35 % sur le prix d’un livre numérique. Mais L’éditeur en ligne se fait un point d’honneur à ne pas reverser à ses auteurs moins de 10 % contre une fourchette de 6 à 10 % dans l’édition papier.
La philosophie de lediteurenligne.com
« Nous choisissons ce qui nous plaît, du théâtre et de la littérature générale. Nous publions aussi bien des romans exigeants comme La maison des Antès d’Anne Michel, que des romans populaires comme mon M. Charles. Notre programmation est prête jusqu’au mois de mai avec deux livres par mois (sauf décembre et août). Nous sortirons entre autres un autre livre d’Anne Michel, mais cette fois en français et en anglais et nous avons le projet de sortir d’autres éditions multilingues avec l’espagnol et le portugais pour profiter du côté mondial d’Internet. »
Son œuvre
Outre Psy Show dont il est co-concepteur pour la télévision, Martin Jacque a coréalisé le documentaire L’identité de mon corps : être transsexuel, lauréat du Prix Italia de la télévision en 1983. Il a publié plusieurs BD, dont Le Secret du temple de Salomon (Albin Michel) et la série des trois Casse-Pierre (Glénat). Chez Démos, il a publié un livre pratique : Prendre la parole en public (réédité en 2009), un roman (M. Charles, l’Editeur en ligne) et écrit plusieurs pièces de théâtre dont L’Appartement, John et Pandora dont il prépare les mises en scène. Maya Simon (la petite-fille de Michel Simon) a acheté les droits de John et Pandora pour le cinéma.