Maryse Condé
ITW Maryse Condé
« J’ai fait un coup d’éclat en partant »
Comme Edouard Glissant, vous enseignez à New York et non à Paris… Après cet hommage et celui reçu le mois dernier avec votre trophée des arts afro-caribéens, vous dîtes-vous qu’enfin on vous considère en France ?
Notre génération a pensé que nous n’avions aucune chance en France, qu’il fallait partir si on voulait faire ses preuves. Je crois que maintenant les Antillais ont une autre approche. Pour eux la France est un pays où ils peuvent réussir, mais pour nous la France est restée étrangère. Même ma fille est allée ailleurs. Et c’est vrai nous avons décidé de ne pas intégrer notre affectivité, notre imaginaire en France. Il y avait un malheur profond qui peut-être maintenant est un peu dissipé entre la France et nous.
Pourquoi avoir quitté la Guadeloupe ?
Je crois que j’ai fait un coup d’éclat en partant, en disant pourquoi je partais, malade et fatiguée, mais aussi un peu déçue par l’accueil du public. Je crois que toutes ces choses ont été entendues et qu’il y a eu, je crois, une sorte de revirement en ma faveur. On n’a pas bien compris pourquoi je partais, maintenant, je crois qu’on le comprend mieux et le fait qu’il y ait une distance qui s’installe entre le pays et moi n’est pas mérité. Je suis partie pour des raisons de santé, principalement, mais on a voulu faire une sorte de querelle, de désamour avec les Antilles qui n’est pas vrai. Comme j’aime toujours dire la vérité, en partant j’ai dit aussi quelque chose que je pensais qui n’était pas toujours agréable, mais sans la Guadeloupe, dans les Guadeloupéens, est-ce que j’aurais été un écrivain ? Toute mon œuvre est nourrie et de la Guadeloupe et des pensées, des sentiments et de la culture guadeloupéenne, donc finalement ce prix, cet hommage a permis de mettre fin à un malentendu stupide qu’il y a entre les Antilles et moi. C’est le côté positif de ma présence ici
Quel regard avez-vous sur la littérature antillaise actuelle ?
Un regard optimiste, mais un peu déçu parce qu’il me semble qu’n Guadeloupe du moins, la relève n’est pas assurée. Après Maryse Condé, après Simone Schwartz-Bart, après Gisèle Pineau qui sont déjà des gens, il faut dire, d’un certain âge, qu’est-ce qui va venir ? On ne sait pas encore et cet inconnu est un petit peu effrayant.
Propos recueillis par FXG, agence de presse GHM
Cahiers du Conseil constitutionnel n° 28 Commentaire de la décision n° 2009-21 D du 22 octobre 2009