MLP rentre en campagne
Interview Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l’Outre-mer
Après quasiment un mois de silence et un malaise survenu en direct lors d’une émission de radio en Guadeloupe, Marie-Luce Penchard, profite de la visite du candidat du parti socialiste aux Antilles et en Guyane, pour monter au créneau et porter la parole du gouvernement et de l’UMP dans la campagne présidentielle qui se profile. Son mot d’ordre est :
« Touche pas à mon président ! »
Vous passez à la contre-attaque après les trois meetings de François Hollande en Guadeloupe, Martinique et Guyane… Est-ce une entrée en campagne ?
Je veux défendre le bilan du président de la République. Et, c’est vrai, lorsque j’entends M. Hollande vouloir nous faire croire que la politique de ce gouvernement pour l’Outre-mer se serait traduite par une baisse des crédits, je dis : c’est faux ! Entre 2007 et 2012, nos crédits budgétaires pour l’Outre-mer ont progressé de 12,3 à 13,4 milliards d’euros !
J’entends aussi porter dans le débat qui s’ouvre la véritable vision d’avenir qui anime le chef de l’Etat et l’ambition du programme qui est le nôtre pour nos territoires ultramarins. Or, qu’avons-nous entendu tout au long de ce déplacement de M. Hollande aux Antilles-Guyane ? Le discours creux du candidat d’un Parti socialiste sans projet, sans propositions concrètes sans vision pour l’Outre-mer !
Vous parlez d’un programme, mais vous n’avez pas encore de candidat…
Le président sera amené à s’exprimer devant les Français ; ce calendrier lui appartient. Pour ma part, je souhaite et je suis certaine qu’il sera notre candidat, parce que dans la situation qui est la nôtre, nous avons besoin d’un président expérimenté qui prend des décisions et Nicolas Sarkozy est le président dont nous avons besoin pour la France et notamment pour nos territoires d’Outre-mer.
Mais n’êtes-vous pas déjà prête pour cette campagne électorale ?
Notre famille politique est en ordre de marche, le secrétaire général Jean-François Copé l’a clairement indiqué. Les socialistes, c’est vrai, sont en campagne ; le gouvernement, lui, est au travail. Ce qui ne l’empêche pas d’alimenter le débat. Nous avons tenu des conventions sur l’emploi, la santé, la dépendance, l’outre-mer… On a fait un certain nombre de propositions. Une chose est sûre, et c’est une vraie différence avec M. Hollande : le projet de notre famille politique est à coût constant, c’est-à-dire zéro euro supplémentaire, car la situation budgétaire de la France l’exige. Notre devoir est de garantir le redressement financier de la France, seule condition pour sauver notre système de protection et de prestations sociales. Et quand quelque chose fonctionne dans notre pays, comme la politique familiale, on ne revient pas sur cet acquis comme voudrait le faire François Hollande en remettant en cause le quotient familial.
Si l’UMP est prête, allez-vous, vous-même, jouer un rôle dans cette campagne ?
J’entends bien jouer mon rôle, c’est ce qu’attendent de moi les ultramarins. Pour le reste, il appartient au président, lorsqu’il sera candidat comme je le souhaite, d’organiser sa campagne. J’ai porté un certain nombre de textes devant les assemblées, j’ai conduit la politique Outre-mer au sein du gouvernement ces dernières années, j’ai contribué, avec Jean-François Copé et Bruno Le Maire, avec l’ensemble de nos parlementaires ultramarins, aux travaux d’élaboration du projet de notre famille politique pour l’Outre-mer, et j’entends continuer à être utile. Il faut, dans cette période difficile, tenir un discours de vérité. Je crois que les Français qu’ils soient de l’outre-mer ou de l’Hexagone, aspirent à ce que les responsables politiques disent la vérité.
Vous seriez aussi candidate à l’investiture de votre parti dans la 4e circonscription législative de Guadeloupe, celle de Victorin Lurel. Le confirmez-vous ?
Je vais vous faire une confidence : aujourd’hui, ma décision est prise ! Mais que ce soit oui, que ce soit non, je le dirai, chez moi, en Guadeloupe, devant les Guadeloupéens. J’ai toujours dit que solliciter un mandat n’aurait de sens pour moi que sur ce territoire auquel je suis tant attachée, parce que j’y suis née, parce que ma famille et mes enfants y vivent. Parce que j’ai toujours pensé que j’avais une certaine responsabilité vis-à-vis de mon île et de mes compatriotes de Guadeloupe, c’est là-bas et à eux que je m’adresserai.
Ferez-vous campagne en direction des ultramarins de la métropole ?
En tant que ministre de l’Outre-mer, j’ai la responsabilité des politiques qui sont mises en œuvre pour l’ensemble de nos concitoyens et je suis très sensible aux difficultés qui peuvent être celles de nos compatriotes ultramarins de l’Hexagone. A ce titre, avec le délégué interministériel Claudy Siar, nous porterons les propositions fortes défendues lors de la convention UMP pour l’Outre-mer.
Le candidat Sarkozy, en 2007, avait convaincu le monde socio-économique antillo-guyanais avec la LODEOM, les zones franches globales, néanmoins, la fédération des entreprises d’outre-mer a émis quelques réserves en décembre, eu égard aux divers coups de rabot portés à la défiscalisation…
Notre devoir était de réorienter la défiscalisation, notamment vers le logement social et de corriger les effets d’aubaine qui ne bénéficiaient pas aux ultramarins. Sur ce sujet, le flou entretenu par M. Hollande est inquiétant. Imaginez que le 15 octobre dernier, dans le Journal de l’île de la Réunion, il affirme qu’il faut soutenir la défiscalisation fondées sur le principe des niches fiscales. Le lendemain, 16 octobre, sur France Info, il appelle avec force à la suppression pure et simple…des niches fiscales ! Cherchez l’erreur ! Qui croire ? Le candidat Hollande qui parle aux ultramarins ? Ou le candidat Hollande de Paris ? Vous le voyez, en réalité, les choses sont très simples : d’un côté, M. Hollande, le candidat du double discours ; de l’autre, Nicolas Sarkozy, le Président qui a le courage de dire la vérité aux Français ! Il y a un gouvernement qui sait où il va, en maintenant la défiscalisation dans des conditions très précises, alors que le PS, à force d’hésitations, reste dans une très grande ambigüité. Le monde économique devrait se méfier des doubles discours et des hésitations permanentes, car je ne suis pas sûre que François Hollande maintienne la défiscalisation outre-mer s’il est élu : remplacer les dépenses fiscales par des crédits budgétaires revient à augmenter purement et simplement le budget de l’Outre-mer de 1 milliard. Je demande donc à M. Hollande de nous dire comment et où il compte trouver ces crédits supplémentaires.
François Hollande s’est prononcé pour une maison des outre-mer en métropole. C’est aussi une des mesures du CIOM qui reste à réaliser…
Il n’a pas parlé d’une maison… Une maison, ça symbolise l’ouverture. Il a parlé de cité. M. Hollande a aussi proposé le rattachement du Ministère de l’Outre-mer à Matignon. Je ne suis pas sûre que mes compatriotes ultramarins, lorsqu’ils se lèvent le matin, sont obnubilés face aux défis qui se posent pour leurs territoires, face aux difficultés qui peuvent être les leurs également, par la question du positionnement du ministère ou par la création d’une cité à Paris. En tout cas, cette proposition est à l’image de la politique que nous promettent les socialistes et qui montre vraiment le clivage avec nos valeurs. On a le sentiment que les socialistes veulent enfermer l’outre-mer dans une relation exclusive avec la métropole sous couvert de développement solidaire. Alors que pour nous il est possible de construire un autre modèle avec le développement endogène. Il faut ouvrir les économies ultra-marines, gagner des parts de marché pour ne pas être dépendant des importations à 100 %. Il faut construire des partenariats et des échanges économiques avec les pays voisins. Nous avons une stratégie pour l’outre-mer et que propose quant à lui le parti socialiste ? Une vision passéiste et qui enferme plutôt qu’elle n’ouvre. Les Antillais et les Guyanais n’ont vraiment pas été dupes parce qu’on ne peut pas dire que M. Hollande ait déplacé les foules durant son séjour.
Vous avez largement réagi aux discours que François Hollande a prononcés aux Antilles et vous dîtes avoir été choquée par sa formule sur le « développement indigène »…
J’ai été choquée, blessée et même meurtrie par cette formule plus que douteuse. Dans la bouche d’un responsable politique, c’est déjà particulièrement déplaisant quand on a en mémoire l’histoire de nos territoires, mais quand il s’agit d’un homme politique qui aspire aux plus hautes fonctions de l’Etat, c’est indigne !
A la convention UMP sur l’Outre-mer, Jean-François Copé a été dur avec les Martiniquais et les Guadeloupéens quant aux capacités de mobilisation des fédérations locales…
Jean-François Copé ne parlait pas du projet en tant que tel, il parlait d’une situation politique et de l’enjeu pour les fédérations de reconstruire une alternative aux forces politiques actuellement en présence. Plus que jamais, il croit avec moi à cette capacité des Martiniquais à proposer un projet de territoire et une nouvelle ambition. Aujourd’hui, la fédération de Martinique s’est structurée et elle commence à faire entendre sa voix ce qui participe à enrichir le débat démocratique.
Le président et le gouvernement sont extrêmement actifs en outre-mer depuis 2007, néanmoins, ça ne se traduit pas dans les urnes. Comment expliquez-vous ce décrochage ?
Il ne faut pas mélanger l’action du gouvernement, la nécessité de faire connaître les mesures mises en place et l’action des militants qui sont là pour relayer le discours politique. Jamais on n’a autant fait avec les états généraux de l’Outre-mer et avec les décisions qui s’en sont suivies et qui sont devenues la feuille de route du ministère de l’Outre-mer. Nous n’avons pas eu de contre-proposition en face, mais seulement de l’antisarkozysme primaire. Et quand on sait que le candidat Hollande s’est allié avec le Tavini en Polynésie pour le représenter dans le cadre des primaires socialistes, et que le Tavini, par la voix d’Oscar Témaru, cherche à inscrire la Polynésie sur la liste des pays à décoloniser… Il souhaite, je le rappelle à vos lecteurs, l’indépendance de la Polynésie. Ca fait quand même beaucoup de choses qui me laissent à penser que sur la question du statut, François Hollande n’est pas clair ! Et c’est particulièrement inquiétant pour les Guadeloupéens, pour les Martiniquais, pour les Réunionnais, pour les Mahorais et pour les Guyanais qui aspirent à rester dans le droit commun et pour tous nos concitoyens si fortement attachés à la République.
Propos recueillis par FXG (agence de presse GHM)