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Publié par fxg

Patrick Karam, président du CREFOM, mais également de la Coordination Chrétien d'Orient en danger, évoque dans cette tribune "le désastre géopolitique" au Proche-Orient à l'origine des attentats de Paris.

"A force de semer le cynisme, nous récoltons le terrorisme"

Nous n'avons pas tiré la leçon de la chute de Mossoul qui a permis d'ériger Daesh de simple pion régional en centrale mondiale du terrorisme, bénéficiant d'un territoire étendu, d'un budget de 2 milliards de dollars pour 2015, de matériels militaires sophistiqués récupérés sur l'armée irakienne en déroute et de renforts, notamment issus des pays européens. Nous aurions pu éviter ce désastre géopolitique mais pour affaiblir le premier ministre chiite irakien Al-Maliki, proche de Damas et de Téhéran, qui marginalise les sunnites, l'Occident lui refusa un appui aérien.

A force de semer le cynisme, nous commençons en Occident à récolter le terrorisme. A force de mélanger intérêts économiques et stratégie politique, demi-mesures et erreurs d'appréciation, les priorités ont été permutées et les voies royalement ouvertes aux barbares et aux assassins sur notre propre sol.

Les manifestations populaires et politiques à Paris et dans toute la France étaient historiques, mais ce ne sont pas les émotions seules qui pourront protéger le pays de nouvelles attaques, puisque cette guerre avec le terrorisme qui puise racine et expertise en Orient ne fait que commencer.

Après le recueillement vient le temps des questions et de l'action.

Le défilé des grands de ce monde était, en soi, une représentation de ce cynisme qui a guidé la politique occidentale à ce jour et qui a permis aux terroristes de marquer des points précieux.

Au premier rang, étaient présents beaucoup de représentants de pays qui entretiennent toujours des liens avec les terroristes, là-bas en Orient, qui permettent à ceux-ci de prospérer et d’élargir leur champ d’action jusqu’en Occident.

Comment peut-on valoriser la présence du premier ministre turc sachant que son pays ferme les yeux sur le trafic de pétrole et le transfert d’hommes et d’armes aux islamistes en Syrie et en Irak à travers ses frontières ? L'argument sur l'impossibilité de connaitre et de contrôler ces flux ne tient pas au regard de la puissance des organes sécuritaires, de renseignements et de répression, qui ont fait leur preuve contre les Kurdes.

Comment peut-on cautionner la présence de représentants de certaines monarchies du Golfe sachant qu’elles sont parmi les principaux bailleurs de fonds, notamment par l'intermédiaire de leurs hommes d'affaires ou de certaines organisations caritatives, de cet extrémisme et de ses théoriciens.

Si l’Occident veut gagner sa guerre contre le terrorisme, il ne pourra pas se contenter de gagner des batailles médiatiques. Au-delà des actions indispensables à mener sur le sol français avec les groupes et les individus concernés, il est plus que urgent de revoir radicalement les stratégies occidentales en Orient et de mettre de l’ordre dans les priorités, sinon il faudra craindre le pire sur notre sol et en Europe notamment et se préparer à vivre, et pour longtemps, avec un terrorisme quotidien.

A quoi servirait de neutraliser des individus les uns après les autres en laissant impunie la fabrique de terroristes en Irak et en Syrie, avec DAESH, dont le nombre qui se compte en milliers ne cesse de croître avec le temps, et les filiales d'Al-Qaida en Syrie avec Al Nosra, au Yémen mais aussi dans tout le Sahel. La Lybie, en passe de tomber dans l'escarcelle des deux centrales terroristes, doit aussi devenir une de nos priorités car elle pourrait répandre la déstabilisation dans tout son voisinage, chez nos propres alliés africains. De plus, avec les vagues de réfugiés qui rejoignent le sol européen dans des bateaux de fortune pourraient s'exporter aussi des terroristes.

Les sanctuaires qui permettent, de former au pire des combattants venus d'Europe, dont les rangs grossissent jour après jour, les territoires parias à partir desquels avec les moyens de communication moderne, les djihadistes s’adressent à nos jeunes et à nos populations et répandent leur haine en toute impunité; tout cela nous expose à des représailles massives sur notre propre sol.

Dès lors que l'on considère que le terrorisme et que ceux qui l'instrumentalisent et le nourrissent sont notre priorité absolue, nous devons tout mettre en oeuvre pour obtenir des résultats rapides et ne pas attendre les quatre ans prévus par nos stratèges pour battre le soi-disant Etat Islamique malgré ses effectifs limités, ses quelque trente ou quarante mille combattants. Il faut bien comprendre que tant que les sanctuaires extrémistes ne seront pas détruits, les actes de violence sur nos sols iront en s'amplifiant. Le temps joue contre nous!

Il faut craindre que la réunion internationale contre le terrorisme prévue le mois prochain aux Etats-Unis ne puisse être l’occasion de faire évoluer la réflexion stratégique pour en finir rapidement avec cette gangrène. De plus, s'il faut en attendre un renforcement de la concertation entre certains services de renseignement et la mise en place de quelques mesures relatives à un lissage et une meilleure harmonisation des dispositifs anti-terroristes, ceux-ci se révéleront insuffisants du fait de l'absence ou de la mauvaise volonté d'un certain nombre de pays, notamment de la région.

La période actuelle est extrêmement périlleuse. La Coordination des Chrétiens d'Orient en Danger (CHREDO) n’a pas cessé de le marteler depuis plus d’un an puisque les données étaient évidentes et l’évolution inexorable vers l’escalade meurtrière.

Les responsables politiques sont donc appelés à avoir le courage d’affronter ce danger mais avec des moyens adéquats et dans un esprit nouveau qui rompt avec la politique menée à ce jour et qui n’a fait que renforcer le terrorisme et faciliter son exportation vers notre sol.

Pour cela, il faudra au préalable exiger de tous les représentants des Etats présents à la marche de Paris de se mobiliser fermement et concrètement dans la guerre contre le terrorisme avec, à la clé, des preuves tangibles sous peine de sanctions économiques et diplomatiques. Il faudra dorénavant s’adresser avec fermeté à des pays considérés jusqu’alors comme alliés, comme la Turquie, le Qatar ou d’autres, en exigeant leur engagement clair et définitif ainsi que des preuves de leur rupture totale avec les réseaux d’islamisme. L'Arabie Saoudite, qui a pendant longtemps joué avec le feu avant de faire marche arrière en raison des menaces pour la famille régnante, doit comprendre que ce temps est désormais révolu.

Nous devons aussi, dans cet objectif, monter une coalition internationale large, à laquelle devraient adhérer des pays réticents ou spectateurs, coalition capable de se projeter militairement sur le terrain en Irak, en Syrie, en Lybie et de nouer des alliances conjoncturelles même contre-nature dans ce seul but. La première guerre d’Irak menée par Georges Bush père est l’exemple qu’une coalition d’intérêts hétéroclites, à laquelle participait d’ailleurs la Syrie démonisée de Hafez el-Assad, pouvait se mettre en place.

Il faudra donc revoir les relations avec des pays encore considérés à ce jour comme adversaires, voire ennemis, dans l’intérêt bien clair de les gagner à nos côtés dans la bataille contre le terrorisme. Parmi ces pays qui ont des intérêts en Orient figurent la Russie, protecteur des chrétiens orthodoxes, ou l’Iran, dont les protégés chiites subissent en première ligne l'extrémisme des mouvements terroristes sunnites. Quant au régime de Bachar el-Assad, en l'absence d'une force armée crédible des opposants démocratiques, il constitue un verrou contre la main-mise sur la Syrie et sa chute signerait la déstabilisation de la Jordanie et du Liban. Il est donc de fait un rempart contre ces extrémistes.

L'Egypte qui a un savoir-faire éprouvé de lutte contre ses propres extrémistes musulmans et une armée puissante ne peut rester en dehors de la coalition et elle pourrait participer à une force armée notamment en Libye, aujourd’hui en passe de tomber entre les mains de mouvements islamistes. Le préalable serait que le gouvernement du président Al-Sissi accepte de sacrifier l'alliance nouée avec les salafistes contre les Frères Musulmans

Ces nouvelles alliances seront de nature à renforcer les rangs de l’Occident dans sa bataille contre les extrémistes islamistes, y compris en matière de terrorisme.

Ce nouveau front devrait en effet nous permettre de renforcer notre dispositif de prévention des attentats sur notre sol en engageant une coopération effective entre nos services de renseignements et ceux de ces régimes parias, dont l'absence ou les limites nous rendent particulièrement vulnérables.

L’Occident doit, par ailleurs, savoir mettre la lumière sur tous les réseaux de financement des islamistes qui leur permettent de se développer et de renforcer leur arsenal. Ces réseaux devront être démantelés et leurs responsables, qu’ils soient des personnes physiques ou morales, lourdement sanctionnés.

Enfin, l’Occident doit impérativement soutenir les pays fragiles qui résistent encore aux attaques islamistes, comme la Jordanie et le Liban afin d’éviter qu’ils ne tombent, à leur tour, dans le giron islamiste. Rappelons d’ailleurs qu’au Liban, l’Etat Islamique continue à exercer une pression militaire  afin de pouvoir occuper une partie de ce pays, en particulier l’axe Ersal-Akkar-Tripoli, qui lui permettrait d’avoir un accès maritime sur la Méditerranée. L’Occident est appelé, par ailleurs, à renforcer l’esprit de convivialité au Liban comme antidote à l’intégrisme islamique prôné par Daesh, en renforçant l’équilibre entre les communautés et redonnant des couleurs à la communauté chrétienne du Liban. Cette dernière doit pouvoir choisir librement son représentant au sein du pouvoir et doit pouvoir aspirer à une loi électorale qui lui assure une vraie représentation.

A défaut d'une révision stratégique de nos priorités, la marche du 11 janvier ne sera vraiment que « pour l’histoire » et l’avenir s'écrira encore en lettres de sang et en souffrance sur notre sol et partout dans le monde.

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