Penchard et les aides eurpéennes à la banane
ITW Marie-Luce Penchard
« La banane antillaise a de beaux jours devant elle »
Qu’allez vous répondre aux producteurs de banane et de canne à sucre que le rapport de la Cour des comptes montre du doigt ?
La Cour des comptes nous dit que les aides communautaires en faveur de ces deux productions sont trop élevées et qu’il faudrait les diversifier. Nous avons déjà engagé une politique résolue de diversification ambitieuse depuis près de deux ans. Sur les montants des aides, c’est vrai que les montants sont très élevés et je vais être très attentive à ce que dit la Cour. Mais, je dois quand même souligner la place qu’elles occupent dans l’économie agricole ultramarine. J’ajoute que la charge qu’on observe à partir de 2008 est liée au fait qu’on est passé du système de l’organisation du marché communautaire de la banane à celui du POSEI*. Moins de droits de douane pour la banane extra-européenne pour un système d’aides plus important pour notre banane. Les professionnels de la banane sont tout à fait d’accord avec nous pour réfléchir à une évolution différente de cette production agricole. Vous voyez qu’avec la question du chlordécone et celle de la nécessité d’aller vers un développement durable, il y a des efforts considérables qui ont été faits. La banane antillaise a de beaux jours devant elle. Nous avons toujours dit qu’il faut faire de la diversification, mais pas au détriment de l’agriculture traditionnelle. Je préfère que les gens mangent des bananes produites aux Antilles plutôt que des bananes produites par nos concurrents à l’étranger.
Les agriculteurs doivent-ils s’inquiéter des suites de ce rapport ?
Il faut prendre ce rapport comme un axe de travail. Notamment, par apport à la nécessité de ne pas concentrer l’agriculture autour de deux activités centrales qui ont été la banane et la canne pendant des nombreuses années. Il faut aller vers la diversification agricole mais la Guadeloupe et la Martinique sans la banane et la canne, ce n’est pas la Guadeloupe et la Martinique. Maintenant, à partir de la banane, on peut développer beaucoup d’autres activités pour aller vers le développement endogène. Les réunionnais utilisent déjà les fleurs de la banane pour faire des condiments et projettent d’utiliser la feuille de banane pour faire des revêtements**. Voilà, des beaux modèles d’exemples ou là, on a une valeur ajouté par apport aux productions des ACP qui n’ont peut-être pas cette technique.
Le constat est le suivant : la production baisse et les aides sont constantes…
Les aides ne sont pas les mêmes. La banane a été aussi confrontée à des difficultés que vous connaissez. Et ce n’est pas simplement la banane des Antilles qui est confrontée à ces difficultés. Nous sommes dans des zones où le risque climatique est très fort. Mais lorsqu’on regarde la banane des Canaries, elle est plus aidée que la banane antillaise.
Comment peut-on développer la filière d’élevage en outre-mer ?
La Réunion a obtenu des résultats grâce à un partenariat avec l’ensemble de la chaine concernée. Ca a permis de baisser le coût de la viande de 15 à 20 %. L’Etat apportera son aide pour qu’on regagne des parts de marché pour limiter l’importation. Il y aura toujours des importations mais je pense qu’on peut conquérir en interne un marché, développer une activité et permettre à nos jeunes de s’épanouir dans de nouveaux métiers. Mais il faut être innovant, imaginatif. Ce qu’on peut faire pour la banane, on peut le faire pour d’autres filières.
Propos recueillis par Alfred Jocksan (agence de presse GHM)
*Programme d’options spécifiques lié à l’éloignement et l’insularité
**le procédé Green Blade est un brevet australien qui permet de transformer le pseudo-tronc du bananier en revêtement pour les murs ou le mobilier. En Martinique, Vladimir Hayot en a acquis les droits et dispose d’une unité de production à l’habitation Rivière La Manche à Ducos. sur la photo ci-dessous, Eric de Lucy, président de l'UGPBan, présente ces fameux revêtements à base de tronc de bananier.