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Publié par fxg

Les planteurs guadeloupéens dont le deuil de leur production

Des planteurs guadeloupéens ont éprouvé le besoin de se rendre à Dunkerque, mardi, pour constater par eux-mêmes l’état des bananes qu’ils ont expédiées après la pluie de cendres du 11 février.Planteurs--colis.jpg

« On nous montre des photos mais ce n’est pas suffisant », témoigne Damien Frair, exploitant agricole à Sainte-Marie/Capesterre-Belle-Eau. Il a voulu voir par lui-même l’effet des cendres volcaniques de Montserrat pour pouvoir « faire le deuil de cette saison »… 120 jours sans production, 120 jours sans revenus depuis que le conseil d’administration de l’Union des groupements (UGPBan) a décidé de cesser, le 22 février, toutes les exportations de bananes guadeloupéennes. Un bateau, parti le 12 février, soit le lendemain de la pluie de cendres, a révélé, à son arrivée à Dunkerque, « la mauvaise surprise ». 4 containers dépotés à son arrivée ont fait la preuve de l’impact des cendres sur les fruits. « Avec la silice contenue dans les cendres, il y a eu du grattage interdigital, ça a fait l’effet d’une râpe à gruyère ! », témoigne Emmanuel Bencteux, directeur de Dunfresh, opérateur logistique de l’UGPBan sur le port de Dunkerque. Voilà donc le produit dévalorisé, ne répondant plus aux catégories commerciales ni au cahier des charges. Griffures-interdigitales.jpgLes 50 000 colis arrivés dimanche (soit 5 millions de bananes) ont confirmé la catastrophe.


"Son goût unique, c'est le caractère de nos volcans"

 


Au contrôle qualité, l’examen des fruits a donné un résultat édifiant. La marchandise atteint un score de 46 points. La catégorie 1 nécessite un minimum de 55 points, la catégorie pays, 65, la catégorie planteur, 75 et la catégorie montagne, 85 ! On est loin de la démarche qualité recherchée par les bananiers… Sur ces millions de bananes, la moitié devrait être détruite (coût : 120 € la tonne) avec certificat de destruction établi par la Répression des fraudes et l’autre  moitié, déclassée. « Au départ, toutes ces tâches noires n’étaient que des halos translucide », constate le jeune Lignière. Tino Dambase qui a déjà cycloné trois plantations sur les quatre qu’il entretient, est amer. Il ne veut même plus voir ces bananes… Pourtant, au départ, le tri avait été drastique : « On jetait souvent des régimes entiers plutôt que des pattes… », raconte Damien Frair (photo ci-dessous). Sur les premiers cartons arrivés la semaine dernière, la production déclassée a été mise sur le marché européen, sans label de l’UGPBan et pour un prix inférieur à 4 ou 5 euros le carton contre 13 selon les cours actuels…. D’où la décision d’arrêter la production pour éviter de rajouter le coût du fret, de la murisserie et des expéditions. Chez Dunfresh, ca représente un manque à gagner de 15 % sur son chiffre d’affaires et chez CMA-CGM la disparition de 50 000 cartons par semaine. « Ca va faire de la place pour la concurrence », selon Sébastien Thafournel, directeur qualité à l’UGPBan.
Un soutien ACP

 

Damien-Frair.jpgLa Guadeloupe avait prévu une production de 62 000 tonnes ; la perte est estimée à plus de 20 000 tonnes. Pour ne pas perdre ses débouchés commerciaux, l’UGPBan, comme elle l’avait après Dean et la grève de l’an passé, se fournit auprès de producteurs des pays ACP, au Cameroun entre autres. Ainsi la société SPM (MM. Simmonet et Bretes) doit fournir cette année 38 000 tonnes à l’Union, et la CDC (société nationale camerounaise) a passé un accord depuis juin 2009 pour 20 000 tonnes. Le président de l’UGPBan et Sébastien Thafournel doivent se rendre en fin de semaine à Yaoundé pour négocier une hausse de ces importations avec la CDC. Reste que les mûrisseurs et les consommateurs ont leurs habitudes et qu’un changement d’origine alors même qu’une campagne de communication à la télé a été lancée risque de brouiller l’image et la démarche des planteurs antillais. Mais surtout, ces 20 000 tonnes manquantes seront très vite remplacées par de la banane dollar. Banane-en-rayon-lille.jpg« On a des clients qui aiment bien la Guadeloupe et on est obligés de les mettre sur un autre produit, indique Yann Berrou, directeur des mûrisseries Fruidor du nord de la France. On a connu ça avec Dean et les gens finissent par comprendre que la banane est un fruit fragile… Si la profession avait décidé de continuer à commercialiser ces bananes, ce serait aller à l’encontre de la démarche et de la politique qualité entreprise depuis quatre ans. » Si le préfet de Guadeloupe consent à déclarer l’état de catastrophe naturelle ou à tout le moins celui de calamité agricole, les planteurs pourront espérer compenser 25 % de leurs pertes. On table sur un retour en production pour les premiers jours de juin, moment où vient le règne des fruits à noyaux, puis un gros retour en octobre. Reste que les cendres semblent empêcher la photosynthèse des jeunes pousses, que la sécheresse devrait entraîner un stress hydrique et enfin, que la saison cyclonique 2010 soit considérée comme à risque… A Baillif, la société de fabrication des cartons d’emballage, la SGCO, s’est retournée vers la Région pour obtenir de l’aide.

A Dunkerque, FXG (Agence de presse GHM)

 


La situation dans le nord-Caraïbes en Martinique

A Saint-Marie, dans le nord Caraïbes, sur la plantation Castries, on a constaté dans une moindre mesure la présence de cendres sur les feuilles de bananiers mais pas sur les régimers, selon Sébastien Thafournel qui s’est rendu sur place. « Il n’y a pas d’impact sur les fruits, ni au départ, ni à l’arrivée. »

 


Trois questions à Joël François, moniteur fruits et légumes chez Match

Joel-Francois.jpg« On se voit mal vendre un autre produit que la banane antillaise »

Les clients font ils une différence entre la banane antillaise et les autres bananes ?

Les clients ne s’y trompent pas ! Je dirais même qu’avec le temps, notre chaîne de magasins ont toujours eu le privilège d’avoir une banane des Antilles. Pourquoi ? Parce que sa première qualité est gustative. La deuxième qualité, c’est le visuel, la tenue du produit dans le temps.

La production de Guadeloupe va être en arrêt pour plusieurs semaines. Est-il possible que vous vendiez autre chose que de la banane antillaise ?

Ah non ! Dans l’historique on a toujours vendu de la banane des Antilles, on est toujours monté en tonnage et je pense que c’est dû à la qualité du produit. Demain, on se voit mal, même très mal, vendre un autre produit que la banane antillaise…

Et s’il n’y en a plus ?

Ce n’est pas possible qu’il n’y ait plus de bananes ! Il y a plusieurs îles dans les Antilles, donc je pense qu’on arrivera toujours à trouver de la banane des Antilles… Demain, faire marche arrière et proposer une autre banane, c’est se tromper complètement.

Propos recueillis par FXG

Les supermarchés Match commercialisent 5 000 tonnes de bananes antillaises par an

 

 

 

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