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Publié par fxg

8e remise du prix littéraire Fetkann au café de FlorePentscrope-Hervieux-et-editrice.jpg

C’est désormais un rituel que de voir l’étage du célèbre établissement germanopratin, le café de Flore, investi par une élite intellectuelle qui consacre sa passion et ses efforts à la reconnaissance d’une littérature consacrée aux problématiques liées à la négritude, la créolisation, la colonisation et, plus généralement, à celles des peuples « autres ». Fanon-une-vie-couv.jpgL’intitulé du prix Fetkann est d’ailleurs complété par la mention « mémoire des pays du sud, mémoire de l’humanité »… La 8e remise de ce prix, créé il y a dix ans par l’équipe du Centre d’information et de formation des originaires des départements d’outre-mer (CIFORDOM) et son président José Pentoscrope, a eu lieu hier matin. Frantz Fanon, à travers l’ouvrage que lui a consacré David Macey (Frantz Fanon, une vie, édition La Découverte) a été honoré dans la catégorie Mémoire, cinquantenaire de sa mort et Printemps arabes obligent, et la « malédiction de Cham » a été prise en défaut grâce à l’ouvrage brillant du chercheur Guillaume Hervieux (L’ivresse de Noé, histoire d’une malédiction, édition Perrin). Mangotine-couv.jpgPour la première fois aussi, le prix de la jeunesse a été remis par des élèves du collège Gustave-Courbet de Romainville dont le principal n’est autre que le Martiniquais Olivier Catayé. Ces adolescents, renforcés par ceux du collège Blaise-Pascal de Massy (lieu de création du prix Fetkann) ont mis à l’honneur l’ouvrage Mangotine et la bête à Man Ibé de Danièle Bernini (K. Editions). « Une version originale du Petit chaperon rouge replacé dans l’imaginaire créole », a expliqué Beatris Comper, présidente de Tous Créoles ! Paris, chargée de remettre ce prix. Leila-et-Beatris-comper-prix-jeunesse.jpgEn poésie, le jury a choisi d’honorer une femme, Yvonne Gombaud-Saintonge, auteur de Fleurs de Gaïac, poètes guadeloupéens du XXe siècle (éditions Jasor), dont le fil rouge se révèle être le traumatisme de mai 1967. Jean-Claude-Cabresse.jpgA ces quatre prix traditionnels, s’est ajoutée une mention spéciale attribuée à l’ouvrage collectif du CM98, Non an nou, publié chez Jasor. « 40 personnes pendant cinq ans ont usé leurs yeux sur des archives poussiéreuses et illisibles pour faire tomber le mur de l’ignorance et nous affilier à l’humanité », a témoigné Jean-Claude Cabresse du CM98 qui promet pour février 2012 la sortie du livre des noms de la Martinique.

A l’issue de la cérémonie, José Pentoscrope donné rendez-vous aux auteurs, éditeurs et jurés l’an prochain, laissant planer une once de mystère sur le lieu d’accueil. Un effet de manche tant on le sait attaché à l’aura que donnent au Fetkann les fantômes littéraires du café de Flore.

FXG (agence de presse GHM)

Photos : Régis Durand de Girard


ITW Guillaume Hervieux, auteur de L’ivresse de Noé, histoire d’une malédiction aux éditions Perrin

Guillaume-Hervieux.jpg« La malédiction de Cham est une tartufferie »

En écrivant ce livre, qu’avez-vous voulu démontrer ?

Je partais avec un petit préconçu qu’une malédiction biblique était en contradiction avec le préambule de la Genèse qui dit que dieu a créé l’homme à son image. Il y avait, à mon avis, un antagonisme par rapport à ce préjugé, donc j’ai cherché à voir à quoi il correspondait.

Vous avez donc commencé par l’analyser…

J’ai commencé par chercher dans les textes dits sacrés, la Bible, le Coran, la Thora, le Nouveau Testament quels étaient les passages qui pouvaient se rapporter à une malédiction. Le passage principal, c’est dans la Genèse quand Noé s’est enivré, qu’il se retrouve nu sous sa tente et que son fils Cham le voit. Dans le Coran, il n’en est pas question et j’ai compris très vite qu’il fallait travailler ce texte avec les méthodes d’exégèse historico-critique, puis je suis allé voir les commentaires et j’ai remonté tout doucement le fil des siècles pour savoir qui avait commenté ce texte, qu’est ce qui en avait été déduit, tiré… Je me suis alors aperçu que le moment où l’on dévie de la signification première de ce texte, c’est au moment de l’apparition des traites négrières qu’elles soient transsahariennes, avec le monde arabo-musulman, ou transatlantiques, avec le monde européen et chrétien.

C’est-à-dire que c’est le moment où l’on commence à détourner ce qui est réellement écrit ?

Le premier sens est d’abord politique… C’est une histoire, dirait-on aujourd’hui, entre palestiniens et Hébreux, à l’époque entre Cananéens et Hébreux. Les Hébreux veulent cette terre parce qu’ils considèrent qu’elle leur a été donnée par Dieu, et ils justifient aussi cette conquête comme une punition divine en raison des mœurs dissolus des Cananéens. Il n’est alors aucunement question d’une malédiction des Noirs.

Mais quel est le lien entre les Cananéens et les Noirs ?

Il n’y en a pas. Canaan est un des fils de Cham, or c’est Cham qui a vu son père nu sous la tente. Cham a été béni par Dieu et Noé ne peut donc maudire ce que Dieu a béni. Il choisit en revanche Canaan parmi les quatre fils de Cham et ce n’est pas un hasard, car c’est à lui qu’appartient la terre que convoitent les Hébreux. Donc, ça n’a rien à voir avec la malédiction des Noirs.

Cham était-il noir ?

Cham correspond, pour certains, au peuple égyptien, au peuple soudanais, et pour d’autres au peuple des Indes… De toute façon, il n’est pas en cause. Celui qui est maudit et destiné à l’esclavage, c’est Canaan. Canaan sera l’esclave de ses frères, ce qui n’est pas du tout le cas de Cham qui a pu même avoir des esclaves lui-même !

Et Canaan n’a rien à voir avec un peuple africain ?

Non, il est l’autochtone du lieu.

Alors comment va se faire ce glissement qui va permettre de justifier l’esclavage des Noirs ?

Jusqu’au XVe siècle, la Bible est la seule référence, morale, intellectuelle… Quand Christophe Colomb découvre d’autres pays avec d’autres habitants, il se demande d’où viennent ces gens, s’il peut les rattacher à la famille de Noé, s’ils viennent d’une famille antédiluvienne… La Bible est sa seule référence. Dès lors, on va faire marcher les concepts et on ne peut pas raisonner à partir de l’inconnu, c’est comme ça que ça a fonctionné.

Donc, on va puiser dans la Bible, quelque chose qui va justifier un système économique…

Oui parce qu’il y a une partie des gens de l’église, comme les Dominicains, une partie de la noblesse qui estiment qu’on ne peut réduire en esclavage les gens comme ça… Voyant qu’il y a de la résistance sur le plan moral, on va invoquer l’argument ultime : C’est Dieu qui l’a dit ! Or, quand on met cet argument biblique en avant, d’autres s’insurgent et au nom de la Bible, disent le contraire. Dès le départ, il y a un affrontement entre ceux qui prétendent que les Noirs sont maudits et les autres. A cela s’ajoutent les propos du pape qui autorisent de réduire en esclavage tous ceux qui sont ennemis de la foi chrétienne. Alors là, ce n’est plus seulement une question de Noirs, cela concerne les Musulmans, donc des Blancs aussi…

Est-ce que, aujourd’hui, il reste quelque chose de vivace autour de cette malédiction de Cham ?

Au moment où il y a eu  le tremblement de terre à Haïti, en janvier 2010, j’ai été très surpris de lire quelques articles qui avaient évoqué cette malédiction pour justifier la catastrophe humanitaire. Je l’ai lu dans plusieurs articles, pas dans des commentaires de lecteurs, mais venant de journalistes, de signataires de tribunes. Ca m’a choqué.

Il faut lire votre livre pour comprendre que cette malédiction est une tartufferie…

La malédiction de Cham est une tartufferie.

Propos recueillis par FXG


ITW Yvonne Gombaud-Saintonge, auteur des Fleurs de Gaïac, poètes guadeloupéens du XXe siècle aux éditions Jasor

Yvonne-Gombaud-Saintonge-et-livre.jpgLa lauréate du prix Fetkann de la poésie est professeur de lettres classiques. Son premier poste a été au lycée Schoelcher de Fort-de-France, puis au lycée Baimbridge aux Abymes et ensuite l’université des Antilles et de la Guyane. Elle vit en Martinique et a longtemps vécu en Guadeloupe d’où son mari, poète, est originaire.

«Les poètes m’ont tout dit de l’histoire de cette période »

Qu’est-ce qui vous a donné envie de faire cette anthologie des poètes guadeloupéens du XXe siècle ?

J’ai toujours aimé la poésie et la musique, comme mon père. A la maison, nous citions des poètes à table… Dans la poésie, j’aime surtout la musique, le plaisir de l’oreille. Par mon métier, également, j’ai été amenée à m’intéresser à la poésie. Mais je me suis aussi penchée sur la poésie parce que mon mari est poète. C’est sans doute la principale raison qui m’a poussée à écrire sur cette poésie. Pour mon mari, elle concernait une époque qui l’a marquée, comme elle a marqué de nombreux Guadeloupéens, autour des années 1960 et particulièrement de 1967. Je crois que le choix significatif des poètes et des poèmes que j’ai réunis dans ce livre reflète cette découverte que j’ai faite à un moment donné de ma vie de ce qu’a été cette époque que moi, je n’ai pas vécue. Je découvre le drame psychologique que cela a été et je découvre chez les poètes quelque chose de commun, une trame qui renvoie toujours à l’événement.

Vous qualifiez cet ouvrage comme une histoire des âmes…

Presque tous les poètes choisis renvoient à cette blessure. Ils sont tous stigmatisés que ce soient Tirolien, Rupaire, mon époux, même Florette Morand avec son côté exotique… Elle aussi change d’écriture à ce moment-là. On retrouve des traces de cette période également chez Rippon et Pépin et, bien entendu, chez Gerty Danburry. Il y a un impact très fort sur la poésie…

Ce n’est donc pas une simple anthologie, mais une collation liée au drame de mai 1967…

C’est une anthologie significative, un choix significatif qui s’est fait tout seul. Je n’avais pas d’idées préconçues… C’est là l’originalité du travail peut-être et je n’en ai pris conscience qu’au fur et à mesure du travail. J’ai découvert la Guadeloupe et une période, spontanément, sans arrières-pensées, à travers les poètes. Les poètes m’ont tout dit de l’histoire de cette période.

Propos recueillis par FXG

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