Statut de la Martinique - ITW Serge Létchimy (PPM)
ITW Serge Létchimy
« Nous mettons en œuvre ce droit à la différence demandé par Aimé Césaire »
Qu’avez-vous voté ?
J’ai voté pour ce texte parce que le peuple a tranché, le 24 janvier 2010 ; il a souhaité une collectivité unique. Ca fait près de trente ans que nous nous battons à la suite d’aimé Césaire qui, en 1982, avait fait une première tentative avec François Mitterrand et Henri Emmanuelli, et il n’était pas question pour moi de ne pas voter ce texte. Bien sûr, il y a des choses perfectibles mais l’essentiel a été sauvegardé, nous avons fait améliorer ce texte. La date de 2014 a été acceptée et puis, ce fameux article 9 qui était injurieux vis-à-vis des élus locaux, est tombé puisque nous avons pu proposer une nouvelle rédaction en séance. Et même si nous nous sommes abstenus, au moins, on a évité le pire…
Considérez-vous cela comme une victoire ?
Ah oui ! C’est une victoire extrêmement importante. Je ne m’attendais pas à ce que le gouvernement lâche mais il a fini par céder à nos arguments et à nos interventions, quelque fois dures, mais je n’avais pas le choix parce qu’il s’agissait d’un déni de démocratie de considérer qu’aujourd’hui, en 2011, on puisse donner à un préfet des pouvoirs de substitution à un élu. Là, nous sommes arrivés à un processus engagé en plusieurs étapes avec un débat en plénière et, vraiment, s’il n’y a aucune possibilité, alors l’Etat peut intervenir mais pas mécaniquement.
Y a-t-il d’autres points où vous auriez aimé faire fléchir le gouvernement ?
La bataille sur les sections. Il y a une circonscription unique et je voulais huit sections ; ils en ont mis quatre dans le texte. Il y aura des discussions et des négociations par ce qu’aujourd’hui, il y a plus de canton. Cependant si on veut garder le principe de la territorialité pour que les familles de Grand-Rivière aient des élus de proximité, il faut subdiviser la Martinique en sept ou huit sections. Il y a une section qui part de Schoelcher pour arriver à Grand-Rivière. La côte Caraïbe et la côte Atlantique, ce sont des philosophies de paysages et de politiques de développement très différents, et ça ne m’a pas plu. Je considère aussi qu’il y a un problème sur le nombre d’élus. Nous étions 86, on sera 51. Il ne s’agit pas de faire de l’inflation mais quand on veut diriger une collectivité, il faut avoir de représentations un peu partout et un nombre d’élus conséquents.
Vous avez voté le texte, donc vous devez considérez qu’il y a des avancées…
Il y a des avancées considérables. Quand j’ai fait la proposition des habilitations qui peuvent nous permettre dans le domaine de la loi, c’est-à-dire faire la loi et le règlement localement, on m’a opposé que c’était quelque chose d’éphémère… Non, pas du tout ! C’est une réalité aujourd’hui et le processus dans lequel nous sommes engagés est une voie de responsabilisation, de construction de libertés locales et d’émancipation, voire d’étape d’autonomie de plus en plus poussée au sein de la République, démontrant qu’on peut avoir des politiques locales très différentes. On peut écrire des règlements sur l’énergie très différents de ce qui se fait en France parce que le milieu est très différent mais la loi s’applique de la même manière. Ca a toujours été ce droit à la différence demandé par Aimé Césaire que nous sommes en train petit à petit de mettre en œuvre.
Propos recueillis par FXG(agence de presse GHM)