Un dernier Lewoz pour Konket
Un lewoz à Pierrefitte (93) pour Guy Konket
Vendredi dernier, les amoureux du gwoka, Jimmy Blanche, Dominique Tauliaut, Dominique Printemps, François Landrezeau, Luc Saint Eloy, Robert Coliné, Zagalo, Igo Drané, Inès Ka avaient rendez-vous à Pierrefitte où les attendaient les associations Yonnalot, grenn kafé, bay Lanmen pour un hommage émouvant et chaleureux au dernier maitre du gwoka, Guy Konket. Le monstre sacré, le gardien du temple d’un art né des plantations cannières a eu les honneurs d’une soirée vraie léwoz.
La dépouille de Guy Konket a quitté Paris en compagnie de son médecin et sa compagne pour rejoindre sa terre natale et partir en filao à la poursuite de Carnot. Il a consacré sa vie entière à la musique des nègres marrons en lui donnant ses lettres de noblesse à la salle Wagram en 1975. L’enfant de Jabrun Baie-Mahaut a sorti le gwoka des campagnes pour parcourir le monde. Ses chansons étaient fondatrices d’une continuité de la lutte sociale et sociétale, des misères et des peines, des joies et des tristesses, des cérémonies et des rébellions. En 1967, en plein révolte et tuerie à Basse-Terre et à Pointe à Pitre, il monte au devant de la scène avec une chanson intitulée, « La gwadloup malad’ », censurée des ondes. Il y pointe du doigt la mise en place d’une politique qui étrangle la vie rurale et les hommes. « Malgré des années des purgatoires, certaines de ses chansons sont devenues cultes, laisse entendre Claudy Siar. Le gwoka est l’essence du peuple. »
Avec une technique infaillible, sa voix d’orfèvre, il était un avant-gardiste qui ouvrait de nouvellesvoies, des horizons nouveaux avec des grands jazzmen de la scène internationale, tels que David Murray et Randy Weston. La musique des « vié neg » à traverser des océans avec la volonté de Guy Konket. Il était particulièrement attentif à la recherche sonore et aussi un grand technicien de l’improvisation. Victorin Lurel, actuel ministre des outremers, dit de lui : « Il était de ceux dont la créativité se mesurait à la qualité du dialogue qu’il pouvait établir avec le joueur de tambour ka et le danseur soliste dans la grande tradition du gwoka ». Lui, le maitre d’un jeu frissonnant et sensuel. « La musique de Guy Konkett reste une véritable peinture de la société guadeloupéenne étalée sur différentes périodes de son histoire, de la colonisation à nos jours », selon Luc Saint-Eloy. « Elle crie l’identité guadeloupéenne. » Ce que font aujourd’hui et depuis plusieurs années des nombreux jeunes Antillais de l’Hexagone à travers des soirées lewoz. Un phénomène grandissant, prenant de l’ampleur d’année en année. Un véritable engouement est né. Les organisateurs font venir les meilleurs chanteurs locaux, Zagalo, Jomimi, Coquerel, pour animer et offrir la meilleure soirée.
C’est une jeunesse déracinée qui plonge son âme dans son passé. Avec eux, en région parisienne, le gwoka vit, est en immersion, apporte du plaisir et se danse. Ça se passe dans les salles, au jardin, sur les places, à Paris ou en banlieue, sur les marchés ou dans les parcs. Ce vendredi, Il y avait des fabricants-vendeurs des tambours et autres objets artisanaux, vêtements, bijoux et restauration. Les tambouyés, chanteurs et danseurs multipliaient les prouesses. Les enfants de Guy Konket perpétuent son choix musical avec ardeur et détermination pour accompagner son âme de voyageur.
Le fils de man Sosso, le neg marron à la voix d’or, le musicien de toutes les aventures, le virtuose du ka, après plus de trente sept de vie dans l’Hexagone est parti. Le maitre du chouwal bwa, Dédé Saint Prix aussi l’a pleuré...
Alfred Jocksan (agence de presse GHM)