Un fonds de couverture risque pour la géothermie
Un fonds pour le développement d’une filière géothermique
Geodeep est un regroupement d'entreprises du secteur de la géothermie qui veulent développer cette énergie propre et durable, et vendre l’expertise française à l’export. On trouve parmi elles des grosses boîtes ou organismes d’Etat comme Alstom, GDF, EDF, Eiffage, le BRGM et l’ADEME, et un « petit poucet », la société antillaise Teranov. Ensemble, ils représentent la filière engagée dans l’exploitation du marché de l’énergie volcanique. Ce marché représentait 3 à 400 mégawatt dans le monde en 2005, mais est appelé à atteindre dans les dix ans les 500 à 1000 Mw. C’est pour se préparer à cette croissance et gagner des parts de marché en France et à l’international que ces sociétés se sont regroupées dans ce cluster qui veut fonctionner comme une couverture du risque géologique grâce à la création d’un fonds public privé d’un montant de 100 millions d’euros. Car ce qui coûte cher dans la géothermie, c’est la recherche de gisements, les campagnes de forage et l’exploration. Le vrai risque financier est de ne trouver ni débit, ni chaleur. C’est ce risque que le cluster Geodeep se propose de couvrir. L’ambition de Geodeep est de développer 20 projets de centrales pour 300 Mw. La perspective, c’est 1000 emplois en France dont 160 aux Antilles. Il y a quatre projets aux Antilles pour une capacité de 50 Mw et six projets à l’export depuis les Antilles qui sont une plateforme d’approche commerciale avec la société d’ingénierie du sous-sol, Teranov de Jacques Chouraki. Huit îles de la Caraïbes ont des potentiels géothermiques d’autant plus intéressants que le coup de production du mégawatt dans les îles est de 230 euros avec les centrales diesel contre 130 en géothermie. En Amérique du Sud, il y a un potentiel de 20 à 30 gigawatt inexploité. « Un terrain de jeu pour la filière française », selon Jacques Chouraki déjà présent en Bolivie avec un projet de centrale de 50 Mw qui promet d’être la référence en Amérique du Sud. A condition, bien sûr, que les investisseurs publics et privés viennent abonder les 100 millions du fonds de couverture risque. Geodeep espère boucler son tour de table d’ici le mois de décembre pour lancer les premiers projets au printemps 2015.
FXG, à Paris
ITW Jacques Chouraki, président de Teranov
« 160 emplois est un chiffre réaliste à l’échelle de la Guadeloupe et de la Martinique »
Quel est la spécificité de Teranov ?
Nos ingénieurs viennent principalement du monde de l’exploration pétrolière et gazière et travaillent sur des zones naturellement fracturées, puisque 40 à 50 % des réserves mondiales d’hydrocarbure sont dans de telles zones. La géothermie dans nos régions se trouve dans un mélange de zones sismiques et volcaniques. Nous avons donc travaillé à transposer les outils développés pour l’exploration pétrolière à la géothermie. Ce sont des outils de modélisation réservoir qui n’ont jamais été utilisés en géothermie parce que beaucoup trop chers. Grâce à une passerelle et un accord passé avec Total, on peut les utiliser pour avoir une meilleure appréhension du risque géologique avant et après les forages.
Quels sont les projets intéressant les Antilles ?
En Guadeloupe, il y a un permis en cours d’instruction à Vieux-Habitants où on a identifié un potentiel assez significatif. En Martinique, il y a deux permis en cours aux Anses-d’Arlet et au Morne Rouge où il y a matière à exploration. En Dominique, le potentiel qui sera développé est très largement supérieur à la consommation dominiquaise ; le surplus sera exporté en Martinique et en Guadeloupe.
A l’export, où est présent Teranov ?
Teranov est déjà présent en Guadeloupe, en Martinique, à Paris, en Colombie et en Bolivie avec des implantations et des ingénieurs sur place, mais aussi en Argentine et au Chili avec des correspondants ingénieurs. Il y a un potentiel de géothermie dans huit îles caribéennes et donc une possibilité d’exportation du savoir-faire français aussi bien en matière d’ingénierie, de service que de fourniture d’équipements. Mais c’est le marché sud-américain qui offre le plus gros potentiel. Nous y travaillons déjà en consortium avec d’autres entreprises françaises, en particulier en Bolivie depuis un an.
Qu’attendez-vous de la création de ce cluster ?
Nous avons déjà des projets identifiés en Bolivie, au Chili, en Colombie, en Argentine, en Equateur et au Pérou sur lesquels on pourrait dès demain proposer une offre différenciée par rapport à ce qui existe sur le marché international. Nos concurrents fournissent du service et des équipements, mais pas un schéma assuranciel. Or, le frein à la géothermie, c’est la problématique du risque géologique, donc le risque financier au moment des forages exploratoires. En arrivant avec une proposition de ce type, nous sommes concurrentiels.
Vous évoquez en termes d’emploi le chiffre de 160 aux Antilles…
La Guadeloupe et la Martinique sont les plus concernés car nous allons y domicilier le savoir-faire en matière d’ingénierie, de construction, de services et d’exploitation. Tous les types de formations et de métiers vont trouver des débouchés sur cette filière industrielle. 160 emplois est un chiffre tout à fait réaliste à l’échelle de la Guadeloupe et de la Martinique.
Comment se fait-il qu’une île volcanique comme la Réunion n’ait aucun projet géothermique ?
La Réunion bénéficie déjà d’un taux d’énergie renouvelable très important, il y a donc moins de besoin. La Réunion dispose de ressources géothermales, mais elles sont moins accessibles du fait du volcanisme actif de la Fournaise et parce qu’elles se situent en zones naturelles protégées, très complexes d’accès d’un point de vue géothermal. Le dossier n’est pas du tout fermé et l’évolution des techniques fait que d’ici deux ou trois ans, nous pourrons proposer à la Réunion un mode d’intervention différent pour caractériser ces ressources et permettre, à terme, leur exploitation tout en préservant intégralement leur environnement.
Propos recueillis par FXG