Vibrations Caraïbes et Kako musique
La nouvelle génération sur la scène de Vibrations Caraïbes
Cour extérieure de l’Alliance Française au 101 boulevard Raspail, samedi 8 octobre. C’est là que se déroulent depuis six ans les éditions du festival Vibrations Caraibes. « C’est un hasard fabuleux que l’archipel caribéen se recrée ainsi entre le quartier Saint Germain et le quartier Montparnasse. Des quartiers qui ont accueillis des années 50 aux années 80 l’immigration antillaise du Bumidom à nos jours, déclare Coline Toumson, directrice artistique du festival. Nous recréons un peu cette mémoire d’un Montparnasse caribéen, de Cuba a Trinidad-et-Tobago, tout l’arc Caraïbe avec des artistes qui ne partagent pas la même langue, mais qui partagent une même culture, une même histoire, et qui ont bâti de façon collective une même civilisation, mais qui sont multiples du point de vue linguistique, politique et institutionnel. » A travers l’art que propose de voir et entendre le festival, tous ces espaces morcelés de la Caraïbe recréent « un espace unis, un espace en dialogue et un espace en force ». Voilà pourquoi cette année, le thème chosi est le « transocéanique ». A 31 ans, la Guadeloupéenne se situe dans une génération de l’entre deux, dépositaire de Fanon, Glissant à qui Vibration Caraïbes rend hommage. La veille, étaient réunies trois pratiques de conques marine de trois espaces différents avec William Cepeda, l’Américain de Porto Rico, Frank Nicolas, Guadeloupéen, le collectif Watabwi, orchestre de souffleurs de conques de Martinique. Ensemble, ils se sont rassemblés pour chanter les coquillages de leur océan. Vendredi, le Kakolabo, entre tradition et modernité, s’emparait des technologies du 21e siècle pour explorer un hip hop soit disant américain mais injecté de maloya de la Réunion, de gwoka, du Kayanm de l’île Bourbon et des flûtes des mornes. « Nous sommes dans une logique de transmission, nous sommes dépositaires de tout ces héritages, nous les transformons, réexplorons et nous les fusionnons pour dire les créoles que nous sommes », résume Coline Toumson. Dépasser les barrière de la langue, les barrières sociales, les barrières de représentations pour un vivre ensemble, c’est le credo cde Vibrations Caraïbes. « La caraïbe n’est pas un espace anodin, un espace stérile, et pour reprendre Césaire, il ne s’agit pas de paysage mais de pays, il ne s’agit pas de populations mais de peuples voire même de civilisations. » Ou comment distiller une Caraïbe plurielle et universelle.
Texte et photos : Regis Durand de Girard
Ils ont dit
Exxôs, beatmakers et DJ
« Je suis maître Kakola car je suis le maître du Kako, c’est-à-dire professeur de Kako et non pas le boss ! Je suis venu de Pointe-à-Pitre pour le festival avec mon partenaire Doob6 Beatmakers et Deejay. Le concept de Kako musique est né dans les années 2000. Je faisais du hip hop kreyol depuis un moment et cela m’a amené au kako. J’ai une formation musicale, mais c’est l’électronique qui m’a amené au kako. Il y a actuellement une sorte de carrefour dans lequel on se retrouve tous et j’ai eu une espèce de lumière de ce qu’était ce carrefour. C’est un peu le langage du « tout monde », ces idées de différentes sortes de créolisation qui m’ont amené au concept de Kako. Et ce concept ne peut que se manifester dans des endroits où la Caraïbe est diverse et se mélange avec l’Afrique, l’Europe, etc… C’est ca qui m’intéresse. »
Jean-Philippe Basses, souffleur de conque de Lambi
« Je viens de Guadeloupe et je vis en métropole pour raisons professionnelles car je trouve, c’est personnel, que la France est un pays qui met vraiment à l’honneur les cultures au niveau de la musique. Je suis membre du groupe Kakolabo dans lequel nous essayons de mettre en avant notre culture, avant tout le gwoka. C ‘est une musique vivante car les tambours sont faits d’un peau de kabrit qui n’est pas forcément morte. En partant de ce concept, on va essayer d’améliorer les nouvelles sonorité qu’on entend, en France, aux Etats-Unis, un peu partout dans le monde… On va s’approprier tout cela pour le mettre à notre sauce, c’est cela qu’on appelle la Kako musique. Je joue aussi de la conque à lambi, instrument qu’on a essayé de mettre a l’honneur dans ce festival. La plupart du temps cet instrument est considéré comme un coquillage, mais c’est avant tout un instrument parce qu’il vient tout simplement de la mer et cette mer, c’est notre mère patrie parce nous vivions tous dans de l’eau au départ. Il faut donc prendre en considération cet instrument et essayer d’apporter quelque chose de nouveau, montrer que c’est un instrument à part entière qui peut se marier avec le jazz, le rap, la musique classique… Cet instrument est un symbole important pour nous car il permettait aux neg marron de se reconnaître entre eux dans la forêt. »
Neg Lyrical, rappeur, chanteur
« J’ai grandi en Martinique et je vis en métropole depuis 10 ans. J’ai une prédilection pour tout ce qui est lyrics d’ou mon nom d’artiste. Je suis un précurseur de ce qu’on appelle le rap créole. Je me produis au sein d’un collectif hip hop Kreyol réuni pour le l’occasion et dont le back musical est assuré aux platines et à l’électronique par Kako Labo. En fait on est chacun des artistes solo réunis ensemble pour cette soirée exceptionnelle. Cela nous permet de nous rencontrer, ce qui n’arrive pas souvent vu que nous venons d’endroits différents, Guadeloupéens, Martiniquais, Réunionnais, Parisiens, etc… Vibrations Caraibes est une façon de présenter de façon très officielle ce qu’on fait. Avant on s’est beaucoup produit dans l’underground, on faisait tout, l’organisation, la production, la prestation sur scène… Dans un milieu antillais où le zouk est dominant, on avait du mal à imposer notre musique. Pendant toutes ces années, j’ai eu l’habitude d’être au four et au moulin et là, pour une fois, je peux me produire uniquement comme invité dans un festival avec un vrai management, avoir accès à la presse et aux médias auxquels on n’a jamais accès, ce qui est une reconnaissance, et qui nous donne une bonne dose de motivation pour la suite. »
FDY Phenomen Rap, chanteur
« Je suis chanteur de rap, je viens du Diamant en Martinique, je suis né en 1977 et je fais de la musique depuis une quinzaine d’années. J’ai sorti récemment un album qui s’appelle « Qui peut tuer la rage d’un assassin », c’est tout un programme, 17 titres bien ficelés. Je vis en région parisienne c’est ici que j’ai appris le rap, mais étant d’origine antillaise, je suis attaché à toute notre culture, ce qui justifie ma présence à Vibrations Caraïbes. »
Medhi Custos, chanteur de zouk love
« Je viens de la Guadeloupe et je suis artiste zouk. Je continue mon processus d’urbanisation avec des artistes comme FDY phenomen , AP du 113, Admiral T, Ti Wony… Je suis en train de continuer à ouvrir mes ailes pour faire un clin d’oeil a mon album précédent. Là, je sors tout juste de studio. Je viens d’enregistrer une tuerie de titre avec des musiciens jamaïcains. La suite, c’est pour très bientôt et ce sera sur les ondes. J’ai été très content d’être l’invité de FDY sur scène. »
Tysmé, rappeur et chanteur du groupe Karukera crew
« Je vis en Guadeloupe. J’ai comme instrument ma tête et ma langue, je suis un rappeur ! Je dis rappeur plutôt que chanteur parce que je considère que le chant est un don et quand on parle de chant, on est plus dans la mélodie, dans le rap on n’est pas forcément dans la mélodie, c’est plutôt de l’écriture à la base. J’ai 33 ans et j’ai découvert le hip hop, il y a un peu plus de 15 ans, d’abord danseur, ensuite tagueur, ensuite je me suis mis à écrire et à faire du hip hop. Entre temps j’ai poursuivi mes études en France continentale pendant 9 ans et je suis rentré en Guadeloupe en 2005. J’ai commencé à travailler sur mon album « Zayanntifik » en France en 2004 sur le plan conceptuel et j’ai commencé à l’enregistrer en 2005 en Guadeloupe. Il est sorti en 2010. Cet album résume tout ce que j’ai pu apprendre et faire en musique. Vibrations Caraïbes fait venir des artistes qui évoluent dans toute la sphère caraïbe que ce soit en jazz, jazz moderne évolutif ou fusion, avec la Caraïbe en filigrane, et en plus cette année, le hip hop et le rap créole. »
Kamnouze, rappeur, chanteur (et petit-fils du boxeur François Pavilla)
« Je suis artiste hip hop afro-caraibéen. A la base, je rappe mais j’ai eu un parcours dans le hip hop que je continue a exercer, actuellement. Je suis en train de monter un projet de disque tourné vers l’afro-caraibéen. J’avais un groupe, Factor x, avec lequel j’ai fait pas mal de singles et quelques albums, ensuite une carrière solo sous le nom de Kamnouze avec les albums « La technique du globule noir », « Entend mes images », « Sensation suprême », et là, j’ai un quatrième album qui va être spécial afro-caraibéen, « Héritage » où je reviens vers mes racines. La vibration, c’est pas forcément quelque chose qui s’explique, c’est quelque chose qui se ressent. Le définir par des mots, c’est délicat… Mais pouvoir être là dans un concept qui mélange les Dom Tom, les styles musicaux, les univers, je trouve ça beau et bien, ça me parle directement puisque moi même je suis métis de père réunionnais et de mère martiniquaise. »G'ny et Iness