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Publié par fxg

Les éditions Idem ressortent une biographie de l'impératrice Joséphine par Sainte-Croix de la Roncière, publiée en 1934 au lendemain du tricentenaire des Antilles françaises. Ce choix éditorial est celui de l'écrivaine martiniquaise Suzanne Dracius qui préface cette réédition. Interview.

"Sexuellement Joséphine n'était pas négrophobe"

Pourquoi avez-vous choisi précisément cette biographie ?

Au-delà de la biographie, ce livre est une véritable invitation au voyage en Martinique. D'un point de vue historique, l'ouvrage est aussi très intéressant puisqu'il évoque largement la Martinique au moment de la Révolution française, puisque Joséphine était revenue en Martinique où elle a vécu cette période et la terreur...

Derrière ce choix éditorial, n'y a-t-il pas une volonté de réhabiliter Joséphine ?

C'est vrai qu'elle est la femme de l'empereur et que sa statue a été décapitée sur la place de la Savanne... Notre envie n'est pas de la réhabiliter, mais d'y voir plus clair dans ce personnage que certains accusent d'avoir persuadé son mari d'annuler la première abolition de février 1794.

Mais l'esclavage n'a pas été aboli en Martinique...

La Martinique a été effectivement sous l'emprise des Anglais durant cette période...

Quelle est la révélation de ce livre sur ce sujet ?

Ce texte met en lumière une description qu'elle donne de l'esclavage. Cette description montre, si ce n'est de l'empathie avec les esclaves, du moins une énorme compassion. Elle s'exprime à près dans les mêmes termes que l'abolitionniste Victor Schoelcher avec beaucoup de descriptions des mauvais traitements que subissent les esclaves. Ces écrits sont une forme de condamnation de l'esclavage. La façon qu'a Joséphine de s'exprimer ressemble vraiment à la compassion et aux sentiments d'injustice éprouvés par Schoelcher. Ceci est quand même très troublant. La question n'est pas de réhabiliter Joséphine, de lui remettre la tête qu'on lui a coupée, mais de ne pas l'accuser totalement d'avoir inspirer cette abolition de l'abolition à Bonaparte...

Avait-elle un tel pouvoir sur son mari ?

Pendant la terreur, elle avait essayé d'influer pour que son premier mari, Alexandre de Beauharnais ne soit pas guillotiné ; elle n'y a pas réussi. Elle a essayé d'intercéder en faveur de bon nombre de ses amis aristocrates et il semblerait que Bonaparte lui ait dit, une fois impératrice, de ne plus se mêler de politique. Elle n'avait pas tant d'influence que ça sur Napoléon.

Sainte-Croix de la Roncière est-il le mieux placé pour la défendre ?

C'est sûr que quand on consacre une biographie à quelqu'un on a de la sympathie pour la personne et qu'il n'hésite pas à écrire que Joséphine aimait ses esclaves. Il évoque même Josèphe, une fille que Jospéhine aurait eue avec un esclave noir et à qui on a donné une dot très importante. Des textes en attestent et cela siginifie qu'au moins sexuellement Joséphine n'était pas négrophobe. Si la fille a été affranchie, Sainte-Croix de la Roncière ne dit pas ce qu'il est advenu du père...

Alors finalement, Joséphine est-elle née en Martinique ou à Sainte-Lucie ?

La Roncière parle de cette revendication de Sainte-Lucie, mais elle est presque anecdotique... Les Saint-Luciens se seraient dit : puisque les Martiniquais n'en veulent pas, autant la récupérer ! La vérité, c'est que si, effectivement sa famille avait des possessions à Sainte-Lucie, elle serait vraiment née comme on le dit aux Trois-Îlets... Ce livre perce quelques mystères : Jospéhine se serait rajeunie quand elle a épousé Bonaparte ; lui-même s'est vieilli ! Il rappelle encore la prophétie de cette vieille quimboiseuse caraïbe qui lui avait prédit qu'elle serait plus que reine, son amitié avec la demoiselle Dubuc devenue sultane... On est loin d'avoir entre les mains un livre d'histoire rébarbatif !

Propos recueillis par FXG, à Paris

Extrait

"Pour éveiller les voluptés de l'europe...

 La première époque de ma vie, passée à la Martinique, m'offrait le spectacle singulier de l'esclavage, qui me devint si affreux que par celui du despotisme qui le domine. Représentez-vous sept à huit cents misérables, auxquels la nature donna un ton d'ébène et de la laine pour cheveux, et que la cupidité, devenue féroce par les dangers qu'elle court à se satisfaire, arrachés à leur patrie, pour les transplanter sur un sol étranger.Là, désunis, comme famille, mais assemblés en ateliers, ou groupés en travailleurs, ils offrent à un soleil brûlant leurs membres pressés dans des liens de fer, sous le rotin d'un commandeur ; ils fouillent une terre que leur sueur, le sang même ne fertilise pas pour eux. C'est pour enrichir des maîtres barbares que ces infortunés furent retranchés de la loi commune du genre humain ; c'est pour assouvir l'avarice américaine qu'ils végètent nus, sans asile, sans propriété, sans honneur, sans liberté. C'est pour éveiller les voluptés de l'europe, qu'ils sont dès l'enfance, pour la vie, et sans espoir, condamnés à ces supplices..."

Joséphine impératrice des Français, reine d'Italie de Sainte-Croix de La Roncière. Préface de Suzanne Dracius. 716 page, éditiond Idem, septembre 2015.

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