Iles éparses
Pour un développement durable des îles éparses
Jusqu’en 20005, on surnommait le préfet des Terres australes et antarctiques françaises, le « préfet pingouin »… Mais depuis l’on a rattaché à son administration un 5e district, celui des îles éparses, à savoir Europa, Bassas de India, Juan de Nova, Les glorieuses pour le canal du Mozambique et Tromelin au Nord-Est de la Réunion, l’administrateur des TAAF a adjoint à ses pingouins du pôle sud des sternes et des frégates de cette zone subtropicale ! Ces îles ont fait l’objet d’un colloque lundi au Sénat.
Le groupe d’études du Sénat sur l’Arctique, l’Antarctique et les terres australes s’est intéressé aux enjeux des îles éparses pour le France et à l’élaboration d’un projet pour leur valorisation. Il s’agit d’enjeux de coopération d’abord dans ces territoires dont la souveraineté française est contestée par Maurice et Madagascar. Cette zone constitue la 2e zone maritime française avec 640 000 km2 de zone économique exclusive avec des ressources halieutiques énormes et une biodiversité unique. « C’est une nouvelle frontière maritime et nous avons à nous redéployer », a indiqué le préfet Rollon Mouchel-Blaisot. Ces îles sont inhabitées sauf par les hommes de la FAZSOI, les scientifiques et les météorologues. Le Grenelle de la mer a acté de faire d’Europa une réserve naturelle. Des explorations sont prévues en 2010 avec le service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM) pour tracer une cartographie précise. Le Marion-Dufresne (navire dédié à la desserte des ces îles) a déjà procédé à la pose de cinq hydrophones destinés à l’écoute des mammifères marins et un inventaire des oiseaux et des mammifères devra être fait tous les cinq ans. Le premier aura lieu par survol aérien entre décembre et janvier prochain. Ces îles, notamment Bassas de India sont aussi des sites archéologiques sous-marins uniques et fortement menacés par les pilleurs d’épaves. « C’est un patrimoine de l’humanité sur l’histoire de la colonisation depuis les Arabes », a indiqué Michel Lourd du ministère de la Culture. En réponse à ces menaces (comme sur la pêche – un palangrier taïwanais a été arraisonné il y a quelques jours), il a été question de faire du successeur du Marion-Dufresne un navire logistique mais aussi de surveillance. Certes, nous ne sommes pas dans les zones de piraterie, plus au nord, a fait remarqué l’ambassadeur à la coopération internationale contre la piraterie maritime, Chantal Poiret, et « les éparses ne peuvent constituer une base arrière, mais il faut maintenir une présence militaire. »
Un observatoire unique de l’impact des changements climatiques
« Si la France ne se maintient pas, a indiqué le sénateur Christian Cointat, d’autres s’y installeront et avec d’autres visées que les nôtres ! » Les enjeux sont donc d’abord une question de gestion des ressources, à commencer par les thonidés. Ce qui a été fait pour la légine plus au sud (une pêcherie certifiée durable), doit être fait pour les thonidés, a indiqué Francis Marsac de l’IRD. En 1980, le thon pêché dans la zone correspondait à 8 % de la prise mondiale, aujourd’hui, ce ratio a atteint 19 %. 3 400 navires sont autorisés à pêcher dans la zone. Mais au-delà de l’enjeu économique, il y a surtout un enjeu de recherche pour les sciences de l’univers car il s’agit là d’un observatoire unique de l’impact des changements climatiques. Il faut donc définir une stratégie de recherche. La secrétaire d’Etat à l’Outre-mer qui clôturait les débats a souhaité que les conclusions du colloque prennent la forme « d’un plan stratégique, qui donnera un cap à notre politique pour les îles Eparses dont les thèmes de recherche sont au cœur des préoccupations de la planète ». Mais recherche n’est pas exempte de défaut : Entre avril et mai 2009 le Marion-Dufresne a enlevé de ces îles sanctuaires 600 tonnes de déchets ferreux, 14 tonnes de batteries, 2 tonnes d’huile, 12 tonnes d’hydrocarbures périmés.
FXG, agence de presse GHM
Il y a aussi dans ces îles des enjeux patrimoniaux, notamment avec Tromelin, anciennement l’île des sables, où ont vécu pendant quinze ans une soixantaine d’esclaves naufragés et abandonnés dont seuls 7 femmes et un bébé ont pu être rapatriés en 1776 à Maurice grâce au chevalier de Tromelin. Des fouilles archéologiques ont mis au jour un patrimoine extraordinaire. Selon Françoise Vergès, il s’agit de trois édifices de corail et de 400 objets réalisés avec des métaux récupérés sur l’épave de l’Utile. qui pourrait faire l’objet, d’une exposition internationale à Paris, Saint-Denis de la Réunion, à Maurice, voire à Madagascar. « Une équipe de Maurice devrait d’ailleurs être associée à une prochaine campagne de fouille », a dit M. Cointat qui a aussi évoqué la possibilité d’y bâtir un mémorial. « Il y a là l’espace pour une création contemporaine sur ce lieu de mémoire », a renchéri le préfet Mouchel-Blaizot.