Aimé Césaire pour toujours
Le Réunionnais Patrick Singaïny était invité par l’Elysée pour assister à la cérémonie d’hommage national à Aimé Césaire. Mais l’auteur et coordinateur de l’ouvrage Aimé Césaire pour toujours, a préféré aller sur le plateau de LCI avec Michel Field pour commenter en direct la cérémonie. Edgar Morin, le FN et la Marseillaise
Evidemment, on attend la lecture d’Edgar Morin, ce contemporain qui a entretenu une relation avec Aimé Césaire dans les années 1950. « Il a été intéressé par les problématiques que je lui ai proposées et sa réponse collait non seulement à la ligne éditorial mais aussi à l’hommage qu’il voulait rendre et à Césaire et à Glissant ! » La problématique centrale de Patrick Singaïny repose sur un questionnement central, il « pose comme équation l’apport des différents legs des ressortissants du peuplement des Antilles et du processus de créolisation comme lieu de leur enracinement. Ce que Glissant a développé, parfois jusqu’à l’outrance », explique l’auteur réunionnais. L’apport de Césaire, c’est l’émergence d’une pensée endogène dans nos sociétés nées de l’esclavage. Et dans le même temps, il offre une pensée moderne à la France. De notre côté des océans, il fait émerger notre modernité. Du côté de l’Hexagone, il pointe du doigt la francité issue du siècle des Lumières mais qui s’accompagnait de ce que l’intellectuel réunionnais nomme Le Siècle des Ténèbres. « C’est le pêché originel de la France » poursuit-il. « Dans un récent sondage 52% des Français estiment que le FN est un parti comme un autre. Ils ont besoin d’une francité efficace. De nouvelles idées ne suffiront pas à endiguer ce désir légitime. C’est ici que la modernité de Césaire nous est d’un grand secours, quand celle-ci nous conduit à comprendre qu’il n’y aura pas ni de francité sereine, ni une réelle émancipation chez nous tant que la mémoire collective sera entachée du siècle des Ténèbres. Il ne suffit pas de glorifier la Révolution française qui n’a pas tout réussi. « La France, poursuit le Réunionnais, n’a pas résolu cette fêlure, cette anfractuosité dans la société française. La France n’est pas pensée de façon multicolore (…) « Nous sommes Réunionnais, Guadeloupéens, Guyanais, Martiniquais mais pas des Français, nous ne sommes pas de culture française. « Dès lors, il nous faut nous approprier des mythes qui fondent la francité afin de la rendre partageuse ». Singaïny propose de compléter la Marseillaise qui comptait 15 couplets au lieu des 7 actuels. L’intellectuel réunionnais propose de réintroduire le 12e couplet :
"Foulant aux pieds les droits de l'Homme,
Les soldatesques légions
Des premiers habitants de Rome
Asservissent les nations. (bis)
Un projet plus grand et plus sage
Nous engage dans les combats
Et le Français n'arme son bras
Que pour détruire l'esclavage"
Voilà posée une problématique post-césairienne qui invite les jeunes générations « à trouver leur place plutôt qu’à vociférer leur esprit de rébellion et leurs désillusions ». C’est sans doute pour cela que Patrick Singaïny préfère commenter la cérémonie à la télévision.
FXG (agence de presse GHM)