Le Sénat adopte la loi contre la négation des génocides reconnus par la loi
La loi réprime désormais la négation des génocides reconnus
Il y a eu beaucoup de tension, lundi au Sénat, et plus de quatre heures de débat avant qu’une majorité de sénateurs rejette l’exception d’irrecevabilité de la proposition de loi réprimant la négation des génocides reconnus par la loi. En l’occurrence, le génocide arménien commis par les Turcs en 1915 puisque, en dehors de la Shoah, il est le seul reconnu légalement par la loi du 29 janvier 2001. La tension était dans la rue d’abord, puisque les abords du palais du Luxembourg étaient bouclés par les forces de l’ordre. Devant les grilles du jardin du Luxembourg, une dizaine de cars de CRS contenaient la manifestation des Turcs. Une petite centaine d’hommes brandissaient des drapeaux turcs et français et des pancartes : « C’est pas aux politiques d’inventer l’histoire » ; « L’histoire ne doit pas servir la politique »… A cent mètres à peine, face à l’entrée du palais du Luxembourg, dix autres cars de CRS contenaient les manifestants arméniens. Plus nombreux, peut-être 3 ou 400, ils brandissaient des drapeaux français et des pancartes : « Sénat, ne cède pas aux pressions » ; « le négationnisme n’est pas la liberté d’expression » ; « le négationnisme est un crime, pour le punir, je veux une loi »… Au Sénat, nombreux étaient les représentants de la presse turque. Bien plus que lors de l’examen, le 4 mai dernier, d’une autre proposition de loi visant à réprimer exclusivement la négation du génocide arménien et qui avait été retoquée. « Il n’y avait que deux représentants de la presse écrite turque, l’un pour la loi, l’autre contre, relate Bernard Piras, député PS de la Drôme. Si le PS et l’UMP ont indiqué soutenir la loi, au sein des troupes, ce n’était pas aussi clair individuellement. Car en plus de ceux qui refusent les lois mémorielles à l’instar de l’écologiste Esther Benbassa, ceux qui ont taxé cette loi d’électoraliste, voire communautariste, comme Jacques Mézard, président du groupe RDSE, ceux encore qui craignent ses effets sur la diplomatie française comme Ambroise Dupont (UMP), il y avait l‘écueil de la commission des lois dont le rapporteur, Jean-Pierre sueur (PS) a annoncé qu’avec 23 voix contre 9, elle avait déposé une exception d’irrecevabilité au motif d’inconstitutionnalité. « Il n’appartient pas à la loi pénale d’intervenir dans le champ de l’histoire », a t-il déclaré avant de citer Robert Badinter : « Le Parlement n’est pas un tribunal. » Patrick Ollier, ministre des Relations avec le Parlement est venu contre-attaquer : « Il ne s’agit pas de légiférer sur l’histoire mais de compléter notre droit. » La proposition déjà adoptée en décembre dernier à l’Assemblée nationale punit de 1 an de prison et de 45 000 € d’amende la contestation ou la minimisation outrancière de l’existence d’un ou plusieurs crimes reconnus comme génocide par la loi française, donc le génocide arménien. Les défenseurs de la motion d’irrecevabilité ont fait planer le risque d’un effet domino si le texte était soumis au Conseil constitutionnel, menaçant aussi la loi de 2001… Tandis que les orateurs se succèdent à la tribune, les manifestations se poursuivent à l’extérieur. Les troupes ont un peu fondu côté Turcs, mais leur service d’ordre doit contenir les plus jeunes. Côté Arméniens, on scande slogans sur slogans : « Non, non, à la négation », « Sénat, vote la loi »… Bruno Gilles soutient à la tribune qu’il faut incriminer pénalement la négation « à l’instar de la loi Gayssot » qui punit la négation de la Shoah. Pierre Charron, le sénateur UMP de Paris, ancien conseiller de Nicolas Sarkozy assure que certains députés UMP se sont fait excuser pour ne pas à voter. Son collègue socialiste, Bernard Piras, évoque le même trouble chez certains de ses amis : « 60 voteront pour, 30 contre et les 30 autres iront aux toilettes… » Finalement, sur 263 votants, 167 sont contre l’exception d’irrecevabilité, 86 pour et dix abstentions. Le débat s’est poursuivi encore quelque trois heures puisque les sénateurs devaient se prononcer sur une question préalable (du même ordre que l’exception d’irrecevabilité) et sur un possible renvoi en commission. A 22 h 26, par 127 voix contre 86 et 27 abstentions, les sénateurs ont adoptée la loi, ce qui devrait permettre au président de la République de promulguer cette loi rapidement. Les opposants à la loi devraient tenter une saisine du conseil constitutionnel. Notons que cette loi ne concerne pas la négation du crime contre l'humanité qu'est l'esclavage car l'Assemblée nationale avait resteint aux seuls génocides reconnus le texte.
FXG (agence de presse GHM)