Orlane, la plus antillaise des Reunionnaies
Orlane se produit le 31 mai à la Réunion, son île natale, l’occasion pour la belle zoukeuse de parler de ses deux amours, La Réunion et les Antille. Interview
« Ce monde créole auquel je suis très attachée »
A quand remonte votre dernier concert à la Réunion ?
Oh la la ! Pour chanter vraiment ? Ca doit faire deux ans… J’habite à Fort-de-France, donc c’est vrai que ça n’est pas évident du tout. Par contre, aller à la Réunion, c’est tous les ans ! Il y a ma maman et toute ma famille qui est là. J’ai un garçon qui a 9 ans maintenant et pour moi, c’est très important d’entretenir ses racines réunionnaises, même s’il est à moitié antillais. C’est pourquoi, je tiens absolument à ce qu’on retourne à la Réunion au moins une fois dans l’année. Même si je ne chante pas à tous les coups !
Ce n’est donc pas la maman qui revient, mais l’artiste…
C’est l’artiste ! J’ai sorti un album au mois de décembre, qui comporte un single, Sans défaut. C’est un duo avec Patrick André. Patrick est un zoukeur assez connu à la Réunion, et c’est un amoureux de l’île où il se rend souvent, parfois assez longuement. J’aime beaucoup sa musique et je lui avais demandé de faire une chanson avec moi. On a composé ce titre à deux et il a l’air de beaucoup plaire aux radios réunionnaises. C’est comme ça que nous est venue l’idée de demander à la direction de l’Apollo Night, la plus grande discothèque de l’île, de nous faire passer.
Quelle sera la configuration ?
A l’Apollo night, c’est de la musique de club, donc il n’y a pas de live qui se fait là. Patrick et moi, on va proposer un show en compagnie du chanteur réunionnais Henrique. On va chanter sur une bande préenregistrée. Nous chanterons toujours puisque nous sommes trois chanteurs authentiques ! Nous allons présenter chacun nos répertoires respectifs, des morceaux choisis… Il y aura sûrement ma chanson Chocolat et d’autres que les Réunionnais connaissent. Mais on va surtout présenter, Sans défaut, que je chante avec Patrick et à laquelle, de façon inédite, Henrique participera, même s’il n’a pas participé à l’enregistrement. C’est plutôt sympa, parce que la musique, c’est toujours un espace de rencontre et c’est toujours intéressant de mélanger nos différents talents
Comment expliquez-vous l’amour des Réunionnais pour le zouk ?
Je crois pouvoir répondre que nous sommes tous issus d’un monde créole, divers et qui a ses nuances, parce qu’un Antillais n’est pas un Réunionnais et vice-versa. Malgré tout, on peut se reconnaître sur des terrains communs qui sont une certaine cadence, un certain swing, pour la musique, nos cuisines et même les gens avec ces métissages que tout le monde connaît depuis de nombreuses générations. On se retrouve dans cet espace. Nous ne sommes pas issus du même peuplement, mais un peu de la même histoire. On retrouve les mêmes goûts, les mêmes influences. Les mêmes choses nous touchent… Je connais le zouk depuis l’age de 15 ans, je connais Kassav, Expérience 7, les Aiglons, Zouk machine… C’est une musique qui touche les Réunionnais depuis toujours. Le zouk m’a beaucoup fait voyager, contre tout attente. J’ai été en Afrique, en Haïti… Là aussi, ce sont des gens qui reconnaissent le zouk comme une musique métisse, mais d’abord noire. C’est en plus une musique à quatre temps… En tapant dans les mains, en remuant un peu les hanches, on arrive tous à le danser et à le chanter. Et puis, il y a le zouk love qui est encore une des rares musiques qui se danse à deux. C’est un contact des corps, un rapprochement des gens et ça se perd un petit peu. On danse souvent tout seul sur des musiques électroniques… Heureusement que le zouk perpétue un peu cette tradition de la danse à deux et très rapprochée.
Vous chantez du zouk, mais êtes-vous influencée par le séga ou le maloya ? Les portez-vous un peu ?
Bien sûr ! Malgré les apparences, je reste profondément réunionnaise. C’est ma vie personnelle qui m’a emmenée aux Antilles et comme je suis une chanteuse, même si je fais du zouk, je chante surtout de belles chansons. J’espère (rires…) ! C’est important pour moi d’ouvrir ma carrière sur tous ces horizons. Je fais du zouk parce que je trouve que c’est une musique tres intéressante, mais je fais aussi de la mazurka, de la biguine, du jazz… La musique réunionnaise fait aussi partie de mon répertoire. J’en veux pour preuve les concerts que je donne régulièrement en Martinique, en Guadeloupe, en Haïti, où je propose du séga. Il y en a toujours sur mes albums, comme il y a toujours la langue réunionnaise. C’est important pour moi de montrer ce qu’est la Réunion, même à 20 000 km de distance. Même si les Antillais reconnaissent les Réunionnais comme des frères créoles, des frères des DOM, la Réunion reste une île lointaine. C’est pour ça qu’on m’appelle la plus antillaise des Réunionnaises ! Mais, je reste toujours la Réunionnaise qui vit aux Antilles.
Les Réunionnais ne vous ont jamais reproché ce choix ?
J’espère que non ! On a tous nos vies, nos cheminements. Je fais partie de cette humanité, je suis un être humain parmi tant d’autres avant d’être une artiste… Il y a des choses que j’ai traversées, des gens que j’ai rencontrés, qui m’ont emmenée ailleurs. Je suis influencée par mille choses, j’aime les gens et je suis curieuse des autres. Mais, ça n’empêchera jamais cet attachement profond et cordial pour mon île que je transporte partout dans mon cœur et dont je parle partout où je vais. J’ai beaucoup tourné sur la côte Est des Etats-Unis, dans les communautés haïtienne et africaine qui sont très attachées au zouk. Quand je vais dans les petites radios libres à Miami, Montréal ou Boston, je parle de la Réunion. On me dit : « C’est où, c’est quoi ? » Et je suis contente de pouvoir parler de la Réunion dans ces coins-là.
Vous faites partie de ces gens qui favorisent le lyannaj entre les deux océans…
Quand Malavoi est allé dernièrement en concert à la Réunion, j’étais avec eux. J’ai chanté Ti flè fané… C’était merveilleux, un immense cadeau que je me faisais et que je faisais à mon peuple originel. D’ailleurs, ce n’est pas fini. Je parle depuis très longtemps avec Dominique Barret de faire un album où l’on mélangerait toutes nos influences. Dominique est extrêmement cultivé musicalement et si on fait cet album, ce sera encore, comme vous diîes, une forme de lyannaj, de rassemblement et de pont entre les Antilles et la Réunion. En tout cas, on restera dans ce monde créole auquel je suis très attachée.
Propos recueillis par FXG, à Paris