Rohner et la nouvelle figuration antillo-guyanaise
Les artistes figuratifs antillo-guyanais exposés à Paris
Du 13 au 28 octobre, la BDAF expose autour d’une toile de Georges Rohner, cinq artistes représentant « la nouvelle figuration antillo-guyanaise ».
Non contente d’avoir financer la restauration d’une toile de Georges Rohner lui appartenant (« Les pêcheurs des Saintes ») avec le concours de la DRAC, la Banque des Antilles françaises a voulu en faire la pièce maîtresse d’une exposition d’artistes contemporains issus des cinq territoires où l’ancienne banque de la Guadeloupe, fusionnée en 1967 à la banque de la Martinique (aujourd’hui filiale de Banque populaire/Caisse d’Epargne), est présente : Guadeloupe, Martinique, Guyane, Saint-Barthélemy et Saint-Martin. L’exposition a été d’abord installée à Pointe-à-pitre en novembre 2010, à l’occasion de l’arrivée de la Route du rhum, avant de voyager dans les quatre autres collectivités françaises des Amériques. C’est à Paris qu’elle achève son périple, au siège de la maison mère, la BPCE. Pour accompagner cette pièce majeure de la peinture figurative de Georges Rohner, réalisée lors de sa période antillaise (1934-1936), Eva Juraver, directrice marketing de la BDAF, a demandé au peintre saint-martinois, Paul Eliott Thuleau d’être le commissaire de l’exposition intitulée : La nouvelle figuration antillo-guyanaise autour de l’œuvre de Georges Rohner. « Nous avons demandé à Paul Eliott Thuleau, qui est de nos clients, de rechercher les artistes qui pourraient bien représenter les territoires où la BDAF est implantée et qui pourraient jouer le jeu en étant dans la même lignée que Georges Rohner », explique Aude Alphonse, n° 2 de la BDAF. Paul Eliott Thuleau avait plusieurs critères pour définir le choix des artistes : « Leur renommée afin qu’ils soient suffisamment représentatifs de leur territoire ; qu’ils soient des artistes figuratifs comme Rohner l’était ; le troisième critère était une question d’affinité personnelle afin de faire une unité de l’ensemble. »
Une figuration tendant à l’abstraction
C’est ainsi que Michèle Chomereau-Lamotte représente la Guadeloupe. « Elle fait l’unanimité sur place et elle a un message : c’est l’homme, l’histoire de l’homme, ses rêves, son territoire. Elle peint cela dans des scènes quotidiennes présentées face à ses rêves ; c’est une peinture qui renseigne beaucoup. » Pour la Martinique, il a choisi Habdaphaï… « Lui aussi est quelqu’un de renommé en Martinique, il y développe beaucoup de projets. Il a une figuration tournée vers l’art primitif, assez gestuelle, très expressive, et qui fait penser au travail de Wilfredo Lam. » Il présente une série sur les porteurs de poissons qui s’apparente totalement à la période antillaise de Georges Rohner, notamment avec son unique toile exposée qui représente des pêcheurs. Pour représenter l’art guyanais, il a choisi Olivia Debyser : « Elle a un côté très dense, brut, fort qui représente assez bien la Guyane. Il n’y a pas énormément d’artistes en Guyane et elle se détache largement ! » Pour Saint-Barthélemy, c’est Antoine Eckly qui a été retenu : « Il n’y a pas non plus beaucoup d’artistes qui sont renommés sur cette île. Antoine Eckly l’est ; il a une représentation internationale. » Il expose une série sur l’eau qui est en parfaite correspondance avec le travail de Rohner. Enfin, Paul Eliott Thuleau représente Saint-Martin. « J’ai eu des difficultés à m’éviter ! Je me rapproche de Rohner par le style. » Sa peinture, essentiellement des cases, est assez épurée comme celle de Rohner. « La peinture de Rohner est une figuration qui tend quand même vers l’abstraction. Il était très attaché à la figuration mais simplifiait énormément. « Il peint des scènes quotidiennes, des hommes au travail. Moi je peins des hommes qui rentrent chez eux, des choses très simples, la simplicité, je dirai. »
Aude Alphonse, accompagnée d’une nombreuse délégation de la BDAF, n’était pas peu fière jeudi dernier, de ce vernissage parisien, pour autant elle n’entend tout de même pas rivaliser avec la fondation Clément : « Nous ne faisons concurrence à personne parce que l’amour de l’art est porté par tous et tout ce qui œuvre et contribue à la découverte de l’art de nos territoires est bon pour tous ! »
FXG (agence de presse GHM)
Photos : Régis Durand de Girard
Olivia Debyser, artiste guyanaise
« Je suis dans la représentation de la vie »
Comment s’est faite cette rencontre avec la BPCE pour intégrer l’exposition « La nouvelle figuration antillo-guyanaise autour de Georges Rohner » ?
Paul Eliott Thuleau, le commissaire de l’exposition, a contacté la Guyane. Il a rencontré Paul Favier de la galerie l’Encadrier, à Cayenne. Celui-ci lui a donné quelques noms de peintres, dont le mien. Je lui ai envoyé quelques photos de mes œuvres et il a dit ok.
Avez-vous compris pourquoi on vous avait choisie pour établir une relation contemporaine avec l’artiste Georges Rohner ?
Je ne connaissais pas Georges Rohner, alors j’ai regardé sur Internet ce qu’il avait fait. Je ne suis pas tombée sur les peintures des Antilles… Moi, je préfère sa peinture antillaise à ce qu’il a fait après. La corrélation que je peux avoir avec sa peinture, c’est le figuratif. Je suis dans la représentation de la vie comme je la ressens avec mon vécu. Sa façon de travailler est différente de la mienne…
Pourquoi peignez-vous ?
Ah, c’est important ! Je crois que je ne pourrais pas vivre sans peindre. C’est mon équilibre…
Quand pourra-t-on voir votre travail ?
A l’Encadrier dans le courant de l’année 2012. Normalement, il y a une exposition de prévue au moment du canaval.
Propos recueillis par FXG
Rohner et les Antilles au musée de la Marine
En 1934, Georges Rohner (1913-2000), jeune peintre inconnu, effectue son service militaire en Guadeloupe. La ville de Basse-Terre lui commande des toiles destinées à décorer la mairie en prévision du tricentenaire du rattachement des Antilles et de la Guyane à la France. Il peint le portrait de Victor Schoelcher, mais aussi une quarantaine de peintures représentant des paysages et des scènes de vie quotidienne de la région basse-terrienne. La banque de la Guadeloupe lui passe aussi des commandes dont celle de la toile présentée dans cette exposition, « les pêcheurs des Saintes ». Ses toiles antillaises constituent un intermède dans la carrière de l’artiste, particulièrement par le choix des coloris chaleureux et des sujets. Il est indéniable que Rohner a été séduit par la beauté des paysages et de la végétation, verts intenses des champs de cannes et des forêts, la beauté tropicale, l’intensité de la lumière, les bleus de la mer et du ciel, la grâce des femmes créoles…Ses toiles antillaises furent exposées au musée de la France d’Outre-mer en 1935 et le seront, du 19 octobre au 16 janvier prochain, dans le cadre l’année des Outre-mer français, au musée national de la Marine. Quatre vingt-deux toiles et dessins du peintre, réalisés lors de ces deux années passées en Guadeloupe, seront exposées.