Zendyen Gwadloup
Zendiyen Gwadloup
Zendiyen Gwadloup, la force qui va ! C’est le prochain documentaire de Michel Reinette et Laurent Champonnois, produit par Frédéric Tyrode Saint-Louis de Beau Comme une Image. Les images ont été diffusées en avant première à Paris mardi dernier, à l’auditorium de l’hôtel de ville. La saga de la famille Vaïtilingon et de la communauté indienne de Guadeloupe s’articule autour de la réussite de la famille par le travail, et de personnalités de la communauté indienne qui font la Guadeloupe d’aujourd’hui. Une famille qui s’impose comme une des forces vives du développement du pays. Ils sont dans l’agriculture, le ramassage d’ordures ménagères, le terrassement ou autres. De leur histoire douloureuse à leur réussite économique, de leur pratique spirituelle et leur engagement culturel, de leur vie quotidienne à leurs loisirs pour riches comme les petits plaisirs, tous est là. Pourtant, le déracinement, la souffrance, les quolibets, les insultes sont passées par là. Ils sont une composante du peuple guadeloupéen et de son histoire. Ce film contribue à leur réhabilitation depuis la sortie des cales de l’Aurore, ce navire qui débarqua les premiers coolies en 1853. ITW de l'auteur, Michel Reinette
" Je suis un indépendantiste apaisé "
Pourquoi ce genre de film sur la société indienne guadeloupéenne ?
Nous appartenons à des populations qui sont toujours enquête de repères, de reconnaissances par apport à eux-mêmes. Ce genre de film ce n’est pas pour nous faire valoir, mais pour nous faire valoir à nous même. Pour se connaitre, plus on se connaît, mieux on s’aime et mieux on apprend à aimer les autres. Le problème existé en pays colonisé ou comme écrire en pays colonisé c’est être une partie de soi-même, donc il est important de reconquérir, de récupérer, de se regarder, de se connaitre. Je me souviens que Daniel Maximin disait : « L’antillais dit oui devant et non derrière », parce qu’il a du mal à se regarder. Et, regarder les autres sans aplomb, sans prétention, mais comme un homme malgré les années d’esclavage. Ce film là, est une version sauvée de ce que nous voulions faire au départ puisqu’il devait se terminé dans une contré continentale de l’Inde du coté de Calcutta. Malheureusement ça n’a pas pu se réaliser car un membre important du film a eu un accident qui lui tient encore depuis plus de dix huit mois dans une situation comateux dans un hôpital suite à un accident. C’et un peu ce soir un hommage qu’on lui rend à Bruno Vaïtilingon à travers cette projection. Lui qui voulait, à travers ce documentaire, donner le signal d’une émergence qui existe déjà du point de vue économique, du point de vue social et sociétal pour ces communautés venues en 1854, six ans après l’abolition de l’esclavage, remplacées les noirs sur les plantations. Ces indiens ont connus pratiquement les mêmes sorts. Ils ont connus une situation extrêmement difficile. Un vécu complètement démonétisé qui les a poussés à se replier sur eux –même, à avoir un comportement un peu clanique. Certains d’entre vous doivent se souvenir comment leur passage était accompagné des quolibets. Beaucoup de souffrances. Il se trouve que la vie est faite comme ça.
Vous effleurez du bout des doigts l’histoire d’Henry Sidambarom, cet homme indigné du sort réservé à ses semblables dans la Guadeloupe de jadis. Comment expliquez-vous ce petit passage ?
Evidement les choses ont été comme l’histoire d’Henry Sidambarom qui est un monsieur qui a combattu bec et ongles et passant par la case prison, d’ailleurs, pour que les faits indiens soient admissent, afin que les indiens deviennent des citoyens, puis qu’ils furent longtemps apatrides, méprisés. Je dirai c’est un peu notre père à tous, antillais. Le combat fut rude. Il fut instructif pour les autres guadeloupéens qui soient, blanc, noir, jaune. Il est important aujourd’hui de voir qu’il y a une population, un peuple qui existe avec toutes ces forces. Je suis vraiment heureux et j’espère que ça ressort dans le sujet. Je voulais montrer finalement qu’il existe une dynamise de peuple. Même ci je trouve que mon ami Faroudjia est un peu excessif lorsqu’il dit que la nation va émerger, il va prendre son indépendance.
Dans cette saga Vaïtilingon, on ressent plutôt une opposition noire et indienne. Comment fonctionnent les Indiens avec les békés ?
Comme partout dans le monde. Le raciste est d’abord social. Donc, les indiens qui sont riches sont très potes avec les békés. Pour autant, ils restent tout de même dans une espèce d’arithmétique ethnique qui existe dans nos pays qui fait que les békés sont les békés, les Noirs sont les Noirs et les Indiens sont les Indiens et on arrive à se retrouver. Ceux qui sont moins émergeant économiquement sont moins potes avec les békés. Dans ce pays, il existe le code des couleurs qui pourrait être une richesse, mais certaines fois devient un handicap. On le sait notre société fonctionne sur les préjugés de couleur, malheureusement.
C’est un véritable travail documentaire sur cette société que vous portez à l’écran ?
Mon travail documentaire est fait pour que les Antillais et les Guyanais s’approprient leurs histoires. Leur histoire d’homme, pas l’histoire dans le sens du continuum. Mais, vraiment l’histoire des hommes qu’ils sont. J’ai encore la faiblesse de penser que mieux l’on se connaît, mieux l’on apprend à aimer les autres et mieux l’on appréhende le monde. Le fait indien guadeloupéen me tenait beaucoup à cœur parce que j’ai connu les cérémonials maléfiques des quolibets qui accompagnaient les indiens quand ils passaient. Il était important pour moi de restituer une exigence de situation qui permet de montrer la dimension plurielle de ce pays Guadeloupe qui fait que les indiens sont au même titre que les noirs, que les blancs, que les bleus, que les jaunes constitutifs des peuples guadeloupéens.
Pourquoi avez-vous choisi la famille Vaïtilingon et pas une autre ?
Je voulais à travers la réussite d’une famille montrer un cheminement. Ce n’est pas une réussite héritée, c’est une réussite construite, en l’occurrence par le travail, par l’opiniâtreté, par la possibilité de prendre l’ascenseur social dans un espace pas très évident. Je peux vous dire qu’être indien en Guadeloupe, cela n’a jamais été une sinécure. Des gens par leurs déterminations tiennent le haut du pavé. Ça m’intéressait, sans négligé pour autant les autres. Mais, l’exemple des Vaïtilingon, comme celui des Gadarcan et d’autres familles indo-guadeloupéenne étaient intéressant à montrer parce qu’il est exemplaire, précisément.
Michel Reinette êtes-vous un documentaliste engagée sur les faits de société, de sa société ?
Oui… Engagé dans la vie. Nous Guadeloupéens, Martiniquais, Guyanais engagés dans cet espace qu’on appelle les départements français d’Amérique, nous avons ce que j’appelle le malaise identitaire qui fait que nous sommes d’un coté complètement guadeloupéens, de l’autre coté complètement français ou en tout cas un peu les deux. On a ce truc là, é nou ka bigidi (hésiter). L’idée est de réapproprier soi-même pour avoir la force d’être debout et affronter les choses dignement, en tant que personne verticale. C’est vrai, il m’importait énormément de traiter l’histoire de la migration antillaise à travers le BUMIDOM. Parce que c’était une migration organisée dans un but politique, comme j’ai parlé de la situation de la femme caribéenne, dans "Moi, noire féminin pluriel". Là, il m’m’importait de parler aussi de cette composante particulière de la Guadeloupe qui est un marqueur important. Nous sommes une société dont le morphotype traduit les différentes influences, à la fois culturelle, ethnique, etc.… Jodila prèmyé manjé gwadloup sé colonbo. Parfait, ça vient des Indiens.
Dans cette saga, vous montrez la dimension politique de la lutte et de l’émancipation d’une catégorie de la population de Guadeloupe ?
Complètement, il faut qu’on sache entendre ça. Et non pas en termes de quête, mais en termes d’affirmation. A partir du moment où l'on affirme c’est qu’on a réussi à dépasser précisément les peurs de l’histoire qui nous on fait trembler. Aujourd’hui, je ne suis pas dans une quête, je sais qui je suis. Donc, j’affirme et en affirmant, je montre que je suis debout à regarder les gens, non pas de manière arrogante, mais de manière complètement amicale et égalitaire. Un homme est un homme.
Est-ce que votre façon d’avoir un pied à Paris et l’autre à Pointe-à-Pitre ?
Oui, il y a un peu de ça. Il y a aussi ma façon à moi, dans cette société, que je trouve très « fanonienne ». Fanon disait que le Noir n’est pas un homme, c’est un homme noir. Moi, je vous dis, pas comme Césaire « le Noir vous emmerde », l’homme noir vous regarde dans les yeux comme un homme regarde un homme. Tout ça s’est fait pour ça. C’est réapproprié son moi, au delà du surmoi factice dont nous sommes nantis. J’avoue que, quelqu’un disait dans la salle que nous sommes français, je n’arrive toujours pas à me sentir français, moi. Je reste un révolutionnaire.
Qu’attendez-vous du public après tant d’image et reportage ?
Que les gens s’approprient de ça. Je suis à une vingtaine de films documentaires. Ce qui est important ce que les gens se retrouve dedans. L’idée d’un film est de rassembler ce qui est éparpillé, tant en termes de documents, qu’en termes d’idées. Je conceptualise les choses pour que ça fasse sens, pour créer du lien, donner aux gens des raisons de s’aimer, de se considérer, de ne plus casser le miroir, de se regarder, en disant finalement ma résilience est extraordinaire après avoir connu une telle inhumanité de la part d’autre peuple. En tout état de cause, ma révolte aurait du me faire couper et hacher. Ma révolte, aujourd’hui, est passée à travers le filtre de la compréhension et de la réappropriation pour faire finalement que je n’ai rien contre les Français, j’en ai après un système. J’aime les Français, comme j’aime les Guadeloupéens, les Martiniquais. Je n’ai pas de problème par rapport à ça et c’est pour ça qu’il faut comprendre qu’on peut être un indépendantiste apaisé qui regarde les choses et qui dit aux gens : « Voilà, j’étais colonisé, je ne le suis plus. Surtout, je ne le suis plus dans la tête. » Même si aujourd’hui la Guadeloupe est toujours dite française. Mais, moi, je ne suis pas colonisé.
Un indépendantiste apaisé est ce vraiment votre cas, Michel Reinette, aujourd’hui ?
Totalement, revendiqué.
Êtes-vous déjà au travail sur autre chose ?
Aujourd’hui, je suis entrain de faire un film qui s’appelle Lucette. il retrace le parcours de Lucette Michaux-Chevry qui pour moi, malgré le fait que nous avons des choix politique extrêmement distant, est le parcours de la femme antillaise combattante à travers l’histoire. Je pense que Lucette s’est installée dans le sillage de Gerty Archimède qui, elle-même s’était inscrite dans le sillage de la mulâtresse Solitude. Mè, fanm gwadloup fo.
Propos recueillis par Alfred Jocksan