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Publié par fxg

Scandale du CDAD en Martinique

Le CDAD met à mal la justice martiniquaise

Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) prendra dans la plus grande discretion, ce 9 octobre, la  décision d'interdire ou non l'exercice de la magistrature à l’encontre de Karine Gonnet, présidente du tribunal judiciaire de Fort-de-France, pour son rôle de présidente du Comité départemental d’accès au droit (CDAD).

La révélation, en mars dernier, de détournements de fonds au sein du Comité départemental d’accès au droit (CDAD), a fini par éclabousser toute l’institution judiciaire en Martinique. Une enquête interne a d'abord mis en cause la secrétaire générale du CDAD, Micheline Virgal, qui avait pourtant été lanceur d’alerte dans ce dossier.

Parce qu'elle a été commandée (pour 17 000 euros) à une société privée en lieu et place d'une inspection administrative, les modalités de cette enquête ne présenteraient pas « les garanties habituelles d'une enquête interne, par ailleurs conduite de manière totalement partiale », selon une source proche du dossier. Surtout, si ce que l’on reproche à Mme Virgal pourrait bien être avéré, son éviction ne peut suffire à absoudre la présidente du CDAD, Karine Gonnet, présidente du tribunal judiciaire de Fort-de-France. Contrairement à cette dernière, Mme Virgal n’a pas bénéficié d’un débat contradictoire à huis-clos et dans la plus grande discrétion devant le Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Au contraire, sa carte professionnelle a été déchirée en présence d’un huissier, ses affaires déposées dans la salle des pas perdus, avant qu’elle ne soit reconduite manu militari aux portes de la juridiction pour montrer de façon quasi théâtrale à tous les acteurs du palais qu’on se débarrassait d’une personne malhonnête.

Karine Gonnet a, finalement, fait l'objet, courant août, d'un signalement et d'une procédure disciplinaire devant le CSM sur la base de l’article 50 de l’ordonnance du 22 décembre 1958. Que dit ce texte de loi ? Un chef de cour, informé de faits paraissant de nature à entraîner des poursuites disciplinaires (pour manquements déontologiques, NDLR) contre un magistrat du siège, peut saisir le CSM pour demander une interdiction temporaire d’exercice à l’encontre d’un magistrat du siège faisant l'objet d'une enquête administrative ou pénale ». C'est, en toute logique, ce qui a dû être soutenu lors d'une audience à huis-clos du CSM, le 25 septembre dernier, à Paris. Attendue ce mercredi 9 octobre, la décision du Conseil supérieur de la magistrature restera confidentielle.

« Prochainement nommée dans une autre cour d’appel »

Demandes d'attestations de bonne moralité et courriers rageurs, signalements à la justice et demandes de mutations : l'ambiance est asphyxiante dans les couloirs du tribunal judiciaire de Fort-de-France. « Le mode de management de Mme Gonnet ulcère ses collègues depuis son arrivée. Ils s’expriment enfin librement face à son attitude amplifiée par l’affaire. : ils se sont posé beaucoup de questions », confie une autre source proche du dossier.

L’enjeu pour le Conseil supérieur de la magistrature à travers sa décision attendue est de protéger l’institution judiciaire et son image en Martinique. Si on ne connaîtra pas sa décision et, si l'on en croit, l'avocat de Mme Gonnet, dans les colonnes de Mediapart, qu'elle chercherait à s'y soustraire en quittant la juridiction, l’information judiciaire ouverte par le parquet national financier pour détournement de fonds publics et confiée à Serge Tournaire, premier vice-président chargé de l'instruction au tribunal judiciaire de Paris, va suivre son cours (voir encadré), tout comme l’inspection mandatée par la chancellerie.

Le recueil du Conseil supérieur de la magistrature sur la déontologie, accessible en ligne, consacre un chapitre à la « probité » : « Un chef de juridiction veille à la bonne utilisation des ressources qui lui sont confiées pour l’administration de la justice sans usage abusif ou inapproprié. » Le seul non-respect de cette disposition constitue donc un manquement.Me Saint-François du barreau de la Martinique, l'un des conseil de Karine Gonnet, a déclaré à Médiapart : « Mme Gonnet sera très prochainement nommée dans une autre cour d’appel et quittera la Martinique. Mais plusieurs procédures sont en cours qui éclaireront la vérité de cette histoire assez extraordinaire. »

Et pendant ce temps, la rue aura beau jeu de dénoncer une « justice colonialiste et corrompue ».

FA Paris

« Dépenses somptuaires »

document aimablement mis à disposition par le site bondamanjak

Dans une enquête détaillé publiée par le site d'informations Mediapart, on apprend que Karine Gonnet est soupçonnée d’avoir « utilisé des fonds du CDAD de Martinique, qu’elle préside, soit pour des dépenses sans rapport avec l’objet du CDAD — accompagner les plus démunis dans leurs démarches judiciaires —, soit pour des dépenses personnelles. » Les factures liées à l'achat d'un véhicule mais aussi de frais d'hôtellerie et de restauration sont « examinées à la loupe par les enquêteurs ». « Je défends avec détermination Karine Gonnet, qui est injustement attaquée et, je le rappelle, présumée innocente », a affirmé son avocat à Médiapart.

« Inertie » des services judiciaires de la chancellerie

Les élus de l’Assemblée territoriale de Martinique, réunis en séance plénière jeudi 3 octobre, ont voté une motion de soutien à Hervé Pinto, un justiciable, récemment condamné pour des histoire de transmissions foncières très embrouillées, sur une proposition du Kolektif Jistiss Matinik. Les élus l’ont adoptée « par souci d’apaisement » et « face aux scandales impliquant actuellement la présidente cheffe de la juridiction [Karine Gonnet], l’inertie du Conseil supérieur de la magistrature, la condamnation arbitraire d’Hervé Pinto… » Si c’est bien sous la responsabilité de la présidente du tribunal judiciaire de Fort-de-France qu’Hervé Pinto a été condamné en avril 2024, c’est une erreur de mettre en cause « l’inertie du Conseil supérieur de la magistrature » alors que celui-ci vient de mettre en délibéré sa décision concernant la demande d’interdiction temporaire d’exercice de la magistrature de Karine Gonnet au 9 octobre, soit un mois après sa saisine, et après avoir examiné son cas le 25 septembre dernier.

En revanche, si l’on peut bien parler d’inertie, il s’agit de celle de la Direction des services judiciaires (DSJ) à la chancellerie, à Paris. En effet, la saisine du garde des sceaux, via le DSJ, remonte à mars dernier, si l’on s’en tient aux révélations de La lettre du 4 octobre. Il semble bien que cette direction ait tergiversé avant d'agir, même après les perquisitions des 9 et 10 juillet derniers dans le bureau et aux domiciles parisiens et martiniquais de Mme Gonnet. C’est cette même DSJ qui a demandé et obtenu la nomination de la seule magistrate de la promotion des chevaliers de la légion d’honneur du 14 juillet 2023 en la personne de Karine Gonnet.

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