Vie chère
Le secteur automobile et la SARA auditionnés au Sénat
Réunis dans leur format de « mission de lutte contre la vie chère », les sénateurs ont auditionné le 13 février les distributeurs automobiles des Antilles dont GBH.
La SARA a été elle aussi entendue, afin de faire la lumière sur la formation du prix des carburants. Tous ces acteurs ont mis en avant leurs contraintes et prévenu d'une transition vers le tout-électrique qui s'annonce douloureuse pour les consommateurs.
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Il était question de marques de voitures au lieu de produits alimentaires mais finalement, les sénateurs de la « délégation aux Outre-mer » en « mission contre la vie chère » auditionnent peu ou prou les mêmes acteurs. Cyril Comte, président du groupe martiniquais Citadelle, ne s'y est d'ailleurs pas trompé : il déplorait lors de son audition le fait que « depuis des mois, à travers la presse et nos élus, la caricature et la simplification sont la norme ».
Pour cet importateur de voitures et de pièces détachées, présent dans les cinq Dom et ancien président du Medef Martinique, la différence de prix avec la métropole s'explique avant tout par « les spécificités de la distribution en Outre-mer ». Selon lui, « il faut prendre en compte les structures de notre activité : les marges brutes ne doivent pas être lues de la même manière. Notre retour sur investissement (ROCE, Return on capital employed, en anglais) ne dépasse pas 10% alors que dans l'Hexagone cela peut atteindre aisément 15%. Si nous avions un retour sur investissement comparable, nous ferions un milliard d'euros de chiffres d'affaires. L'exemple récent de la fermeture de BMW en Guadeloupe et en Martinique montre bien qu'il n'y a pas de place pour les indépendants. »
Étroitesse des marchés, frais d'approche, faibles marges : les arguments sont eux aussi quasiment les mêmes que dans la distribution alimentaire. « En métropole, un distributeur peut être livré deux fois par jour, nous devons attendre au minimum sept jours dans le cas d'une livraison par avion et deux à trois mois dans le cas d'une livraison par bateau », expliquait à son tour Ludovic Erbeïa, directeur automobile du groupe GBH. « Du fait de ces livraisons qui prennent beaucoup de temps, nous sommes contraints d'avoir d'énormes surfaces de stockage et le coût de la construction est considérablement plus élevé. Nous gérons nous-mêmes le recrutement et la communication qui sont assurés dans l'Hexagone par des grands groupes. À tout cela, il faut ajouter le fait que le secteur automobile traverse de fortes turbulences. »
"L'argus n'a qu'une valeur de repère"
Face à ces dirigeants de grands groupes, les sénateurs se voulaient offensifs, sans aller toutefois jusqu'à les mettre en difficulté. « Lorsque vous reprenez un véhicule, vous le reprenez au prix Argus national sans prendre en compte le fait que le citoyen l'a acheté plus cher, s'indignait par exemple le sénateur macronniste (Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, RDPI) de Guadeloupe, Dominique Théophile. « La comparaison n'est pas possible, lui répondait Cyril Comte. Nous reprenons seulement 40% des véhicules neufs. Le marché de l'occasion est dominé par la vente de gré à gré dans les Outre-mer. Sur nos six concessions, une va bien, deux sont à l'équilibre et trois perdent de l'argent. L'argus n'a qu'une valeur de repère. Respectez notre métier : nous faisons de notre mieux ! »
Questionnés sur le sujet – sensible – du prix des pièces détachées et de leur écart parfois faramineux avec la métropole, les distributeurs affirment que là encore les mises en cause sont injustifiées. « Notre image est très dégradée auprès de l'opinion publique mais pas de nos clients, veut croire Ludovic Erbeïa. Sur certaines références de pièces détachées, nous sommes moins chers qu'en métropole. Un tiers de nos références est moins cher qu'en métropole : cela n'attire pas l'attention et c'est normal. »
FA Paris
La SARA se plaint d'un « mur de taxes »
Mise en cause récemment dans un rapport de l'Inspection générale des finances, la Société anonyme de la raffinerie des Antilles (SARA), en situation de monopole aux Antilles et en Guyane, s'est justifiée auprès des sénateurs. « L'activité de la raffinerie fonctionne bien, elle subit des inspections réglementaires régulières et tout cela se fait en harmonie », expliquait ainsi Olivier Cotta, directeur général de la SARA. Les investissements sont nombreux et l'activité a vocation à se poursuivre pendant de nombreuses années.
Interrogé par le sénateur socialiste de Guadeloupe Victorin Lurel, le directeur Olivier Cotta avait aussi à cœur de mettre un hola à certaines rumeurs : « Non, la SARA ne stocke pas de carburant à Sainte-Lucie, oui, si la SARA pouvait faire venir du pétrole du Venezuela elle le ferait mais le soufre est un poison, et le pétrole brut vénézuélien en est trop chargé ».
Cette audition sénatoriale était finalement l'occasion pour la société pétrolière de lancer l'alerte. « Certificats d'économie d'énergie, taxe carbone : au 1er janvier 2027 il y aura 26 centimes d'euro de plus en taxe sur le prix du carburant. Nous serons très bientôt face à un mur de taxes », insistait Florian Cousineau, directeur Europe de Rubis Energie, actionnaire de la SARA. Pour le consommateur, ce « mur de taxes » n'augure rien de bon pour les prix à la pompe. Et ce n'est pas la transition énergétique et la future interdiction de vente des véhicules thermiques - prévue pour 2035 – qui y changeront quelque chose. Aux Antilles et en Guyane, le carburant pour les voitures risque fort d'être remplacé par de l'électricité produite avec du fioul... vendu par la SARA.