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Publié par fxg

Zion dans les salles de l'Hexagone

Nelson Foix, réalisateur

Le trentenaire guadeloupéen sort le film "Zion" dans les salles ce 9 avril après un beau lancement aux Antilles mi-mars. Coproduit entre autres par Djamel Debbouze et Laurence Lascarry, ce premier long-métrage avec ses dialogues en créole  est autant un « film d'action » dans les rues de Pointe-à-Pitre qu'un témoignage sensible et surtout contemporain sur la société guadeloupéenne. Nelson Foix (il est le fils de l'écrivain Alain Foix) en a lui-même écrit le scénario, non sans avoir auparavant réalisé "Ti moun aw", un court-métrage en coup d'essai et déjà un coup de maître !

« C'est à nous de raconter nos histoires ! »

Les scènes d'affrontement avec la police sont nombreuses et ponctuent votre film. Vous posez en filigrane la question de l'indépendance de la Guadeloupe. Quel est votre rapport à cette cause ?

« Mon rapport avec ça est propre à beaucoup de Guadeloupéens et de Guadeloupéennes. Quand on lit sur nos murs « l'Etat français assassin », cela démontre que le colonialisme est extrêmement présent chez nous, extrêmement pesant et oppressant. La vraie question, celle de la souveraineté, se pose au quotidien. Je ne pouvais pas passer à côté de cette cette épine dorsale, du squelette de notre pays. J'emploie volontairement le mot pays en raison du traitement qui nous est fait aujourd'hui. Dans quelle région de France, pourrait-on être privé d'eau dans son robinet, sans que personne ne fasse rien et que ça ne révolte personne ? Aucune, à part chez nous. On a vraiment la sensation, aussi bien en Guadeloupe qu'en Martinique et en Guyane, d'être traités différemment. Il y a un vrai deux poids, deux mesures : nous ne sommes Français que quand ça arrange certains, mais pas forcément quand ça nous arrange nous.

"Zion" est un tableau de la société guadeloupéenne contemporaine à travers l'histoire de son héros, de son quartier, de son île. Que voulez-vous porter à la connaissance du public ?

Mon film montre les problèmes d'usage et de vente de drogue. Car c'est une réalité de chez nous, malheureusement. J'aimerais que ce soit un cliché mais ce n'est qu'un constat. On ne peut pas faire comme si ça n'existait pas. Je n'apprends rien aux Guadeloupéens, aux Antillais de manière générale ni même aux Guyanais. En revanche, la plupart du public de métropole n'a pas de connaissance de ce qui se passe aux Antilles. Ces spectateurs vont découvrir des choses. Les problèmes de violence sont connus mais on n'en prend pas totalement la mesure.

Vous n'avez pas peur de noircir le tableau ?

« Zion » n'est ni un film violent ni un film sombre. « Zion » est le portrait d'une Guadeloupe qui m'est propre, qui m'est chère, le portrait de Pointe-à-Pitre. J'ai voulu mettre en lumière des endroits qu'on invisibilise la plupart du temps, des gens aussi qu'on invisibilise. Je n'ai pas fait un portrait sombre de mon pays. Au contraire, j'espère l'avoir mis en lumière.

Black Moon Films, Canal Plus, France Télévisions, The Jokers : de très grands noms de l'industrie du cinéma sont au générique de votre film largement distribué dans l'Hexagone et outre-mer. Comment avez-vous réussi à produire ce long-métrage ?

Ça n'a pas été un long fleuve tranquille parce que le cinéma est une industrie difficile d'accès : il y a beaucoup de pare-feu à passer avant d'arriver dans une salle. On se retrouve face à des gens qui ne connaissent pas nos réalités, nos histoires et qui ne sont pas forcément sensibles. J'ai commencé à écrire « Zion » en mars 2020. Le film a été terminé en avril 2024. Voilà, ça m'a pris quatre ans.

Les dialogues du film sont largement en créole même si pas exclusivement. En quoi était-ce important ?

Ne pas employer la langue créole aurait été impensable. Mon premier souci — au-delà du fait de s'inscrire dans la culture et la langue créole — était l'authenticité. Au fil du processus de création du film, j'ai dû me justifier face aux diffuseurs qui pouvaient avoir peur d'avoir un film en créole, c'est-à-dire sous-titré. Dans notre milieu urbain, populaire, ça parle beaucoup créole. Dans les moments de tension, quand ça commence à monter dans les tours, personne ne s'exprime plus en français ! Mes comédiens ne sont pas des professionnels et c'est toujours beaucoup plus fluide pour eux de s'exprimer dans leur langue maternelle. Il faut se laisser porter et faire les choses comme elles doivent être faites. Pour moi, c'était une évidence et finalement ça a été accepté comme tel.

Votre travail s'inscrit-il dans un renouveau du cinéma antillais ?

Bien sûr, je souhaite qu'il y ait un cinéma de chez nous, avec une identité forte. J'espère vraiment que « Zion » va créer une émulation. Mon film sort en même temps que « Fanon » (le biopic sur le penseur martiniquais sort en salles le 2 avril, ndlr). Jean-Claude Flamant-Barny est comme un frère. Nous sommes tous les deux présents et nous faisons des films. J'espère que demain nous serons encore plus nombreux à avoir envie de nous raconter. Je n'ai rien contre le fait que l'américain Disney raconte des histoires de princesses blanches si nous aux Antilles, dans la Caraïbe, nous pouvons raconter nos propres histoires, comme chacun devrait pouvoir le faire. Qu'on cesse de laisser les autres raconter nos histoires à notre place !

Propos recueillis par FA Paris

Un film d'action à Pointe-à-Pitre

"Zion" est le récit des galères, des troubles et même de la guerre que va devoir surmonter Chris, un Pointois d'une vingtaine d'années confronté à l'inattendu dans le décor d'une ville tropicale contemporaine, de ses rues surchauffées, y compris par le carnaval.

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