Césaire au Panthéon - ITW Frederic Mitterrand
Interview de Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture et de la Communication
« L’histoire avance à coup de symboles »
Est-ce important pour vous ne reconnaissance ?
Reconnaître, c’est connaître à nouveau, connaître sous un autre jour, connaître avec un autre regard… Par là même, c’est connaître toute cette littérature, cette poésie, cette création qui vient de l’outre-mer. Trop longtemps cette culture n’a pas été reconnue comme elle aurait du l’être. Aimé Césaire n’est aux programmes scolaires que depuis 1994 et à l’agrégation depuis quelques années seulement. De grands écrivains comme Maryse condé ou Edouard Glissant enseignent à l’étranger. La reconnaissance, c’est se rendre compte de ça ; elle en train de se faire. L’histoire avance à coup de symboles et avec des symboles qui apportent un peu de chaleur. Alors la reconnaissance de la Nation à Aimé Césaire est un symbole très profond.
Pourquoi maintenant ?
Aimé Césaire est parti il n’y a pas très longtemps. Il ne faut pas non plus aller piétiner le deuil des familles. On est là pour faire quelque chose qui vient naturellement et là, je pense que la manière dont ça se passe est très naturelle. C’est une décision qui suscite un profond consensus. Il n’y a pas de ces marchandages qu’on a quelques fois à propos des célébrations. Il n’y en a aucun, tout le monde est d’accord
Pourtant, il a été un chantre de la lutte contre le colonialisme…
Oui il a été le chantre de la lutte contre le colonialisme, mais aujourd’hui le colonialisme est hors de combat. Les blessures qu’un combat de cette sorte a pu entraîner sont maintenant apaisées. Ca a été la lutte contre le colonialisme par son histoire. Aimé Césaire entre au panthéon avec son histoire qui témoigne.
Aimé Césaire défendait les racines multiples de l’identité et sa reconnaissance au Panthéon arrive en plein débat polémique sur l’identité française…
Je ne vois pas de débat polémique sur l’identité française. La France est diverse et Aimé Césaire entre au Panthéon avec la diversité française.
Où va prendre place la plaque Aimé Césaire ?
Elle va se trouver dans une crypte, en très bonne compagnie, mais je ne sais plus qui… Je pense qu’on verra beaucoup d’images dans les jours qui précéderont l’hommage et ça permettra de ressentir très fort la présence d’Aimé Césaire. Il y a d’ailleurs au Grand Palais une exposition superbe qui montre à travers quelques œuvres de Wilfredo Lam et de Picasso, une qualité incroyable d’échange qu’ils ont eu avec Césaire dans ces années 1940, des années particulièrement sombres.
Vous vous êtes choqués que de grandes plumes comme Glissant ou Condé n’aient pu être accueillies dans une université française…
Le fait que le ministère de la Culture soit étroitement attaché à cet événement au Panthéon est particulièrement notable. Ca avance par symboles, par prises de conscience dans l’opinion publique. Tout d’un coup, quelque chose à quoi on ne s’attendait pas devient totalement évident et naturel. Le fait qu’Aimé Césaire soit au Panthéon est quelque chose de fort sur la manière dont les cultures ultramarines doivent être reçues dans les programmes scolaires, dans l’enseignement. Alors pour revenir à nos grands artistes obligés de s’exiler, je pense qu’il est temps qu’on leurs ouvre nos bras !
La France ne pourrait-elle pas faire mieux et les reconnaître tant qu’ils sont vivants ?
Je suis ministre de la Culture et je fais tout mon possible. Je crois être le ministre de la Culture qui va le plus en outre-mer. J’y retourne encore prochainement. Je vous rappelle qu’on va créer à Cayenne un musée de l’histoire et de la civilisation guyanaise ; on agrandit le musée de Fort-de-France et on est prêt à faire la même chose en Guadeloupe au musée Saint-John Perse. L’idée de la mémoire nationale commence par les musées…
Nous parlions d’artistes vivants…
Les vivants, je les pratique de manière régulière. L’année des Outre-mer, la création de l’agence des Outre-mer sont des signes forts. Mais le principal travail est un travail pédagogique. On ne peut pas obliger les gens à faire les choses. En revanche, on peut leur monter que ça vaut la peine de le faire. La coercition, non. Donner des signes et des gages, ça c’est possible.
Quelle est pour vous la plus belle phrase d’Aimé Césaire ?
« Jadis on nous vola nos noms. D’estampilles humiliantes on oblitéra nos noms de vérité. Sentez-vous la douleur d’un homme de ne savoir pas de quel nom il s’appelle. Par quoi son nom l’appelle. » J’ai découvert en lisant sa biographie que Toussaint Louverture ne s’appelait pas Toussaint Louverture au départ. C’est toujours ce problème du nom. Tout commence par le nom et quel plus beau nom d’ailleurs que Aimé Césaire.
Propos recueillis par FXG (agence de presse GHM)